Le Brésil est actuellement le pays du plein développement... des luttes. Depuis plusieurs jours, un mouvement de contestation populaire traverse le pays. Un incendie que le pouvoir a bien du mal à éteindre... L'idée que le Brésil connaît une situation économique et sociale en plein développement économique est fausse. La croissance de ces dix dernières années est une des plus faibles des pays d'Amérique latine. En terme de « développement », la désindustrialisation rend le pays dépendant avec moins d'exportations qu'il y a vingt ans, et on constate une reprise de l’inflation. Cela laisse une faible marge de manœuvre au gouvernement, qui, très conservateur du point de vue économique, tente de contrôler les dépenses publiques et de stimuler les capitaux, ce qui jusqu'à présent donne peu de résultats.La croissance économique a surtout favorisé le capital financier et l'agrobusiness mais les couches les plus pauvres de la population ont quand même bénéficié d'aides, notamment la création d'une allocation pour les plus pauvres et l'augmentation du salaire minimum. C'est ce qui explique le soutien de ces couches les plus pauvres au gouvernement.On peut résumer la politique des gouvernements du PT de la façon suivante : donner quelque chose à ceux d'en-bas... à condition de ne pas entrer en conflit avec les classes dominantes.Extension des revendicationsLa situation économique n'est pas la raison principale des fortes mobilisations de ces derniers jours. Les manifestations de ce mois de juin ont certes commencé à São Paulo en réaction à l'augmentation du prix des transports publics. Deux ou trois petites manifs, puis le 13 juin la manifestation réunit au moins 15 000 personnes et la répression policière s'intensifie : 250 arrestations et des dizaines de blessés, dont une journaliste touchée à l’œil par une balle en caoutchouc.À partir de là, la mobilisation s’accroît et devient nationale avec des revendications (en plus du prix des transports) contre la répression. Des manifestations ont lieu dans 400 villes et d'autres slogans émergent, notamment contre les dépenses exorbitantes engagées pour la coupe du monde de football : « não quero bola, quero escola » (je ne veux pas de football, je veux des écoles), ainsi que contre l'homophobie. En effet, la droite religieuse fondamentaliste défend un projet de loi qui prétend traiter l'homosexualité comme une maladie.Le mouvement a gagné sur la question des transports dès le 19 juin. De larges secteurs de la population ont vécu l'expérience de mobilisations massives, ont obtenu des victoires et ont aimé cela. Cette victoire a amplifié les manifestations (300 000 à Rio) et d'autres sont encore prévues.Le mouvement a commencé dans beaucoup de villes par des manifestations appelées par des collectifs opposés à l'augmentation des prix des transports ou pour leur gratuité. Dans de nombreuses villes, il y a des Comités populaires qui depuis plus de deux ans organisent une mobilisation non seulement contre les dépenses liées à l'organisation de la coupe du monde et contre la loi d'exception exigée par la FIFA, loi qui a entraîné des déplacements de population.Ces mobilisations ont des similitudes avec le mouvement des Indignés. Même si la perte de légitimité du système politique est importante, le mouvement ne se pose pas la question d'un changement de régime politique ou de gouvernement et nous sommes loin du « que se vayan todos ! » argentin (qu'ils s'en aillent tous !).Construire une alternative politique crédible au PTIl y a en ce moment un débat au sein de la gauche radicale sur une « unité de la gauche ». Nous devons chercher cette unité avec les secteurs qui sont en opposition au gouvernements du PT (et aussi aux gouvernements de droite). C'est-à-dire des secteurs anarchistes, mouvementistes...Le PSOL est le parti qui est le plus en phase avec les revendications du mouvement et ses militantEs, y compris ses éluEs et ses militantEs les plus jeunes participent.Pour le moment il n'y a pas d'alternative crédible à la gauche du PT au niveau national. Nous sommes encore dans les débuts de la reconstruction d'une gauche anticapitaliste brésilienne, après le coup subi avec l'adhésion du PT au système institutionnel bourgeois. Le PSOL, qui est de loin la principale alternative politique à gauche du PT, est encore très faible, et vit de nombreuses contradictions internes. Il peut être une alternative crédible dans certaines villes, comme on a pu le voir lors des élections d'octobre 2012, mais pas sur le plan national.Le principal défi de la gauche anticapitaliste, c'est d'apporter sa contribution au développement du mouvement. Si elle y arrive, ce sera aussi une avancée dans son processus de reconstruction.De São Paulo, João Machado(Traduction par Liliane Guardiola)
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Faujour