« Faut absolument dire aux Brésiliens qu’ils ont la Coupe du monde, qu’ils sont là pour montrer la beauté de leur pays, leur passion pour le football et que, s’ils peuvent attendre un mois avant de faire des éclats un peu sociaux, ce serait bien pour le Brésil et pour la planète football, quoi. » Cette phrase malheureuse de Platini condense à la fois l’inquiétude des dirigeants sportifs et politiques à l’égard de la tension sociale montante au Brésil à la veille de la Coupe du Monde et la nostalgie d’un pays qui n’existe plus...
Car depuis plusieurs mois, les travailleurs et la jeunesse brésiliens ne se retrouvent plus dans cette image de la « beauté » du pays, de la « passion pour le football » et d’un peuple « joyeux ». Les grandes manifestations de juin dernier ont laissé leur marque dans les esprits de toute une génération, longtemps anesthésiée par les promesses du « Brésil-puissance » et par plus de treize ans de gouvernement du PT. Le coût économique et social extrêmement élevé de l’événement sportif est devenu ainsi la cible symbolique de la lutte contre une société profondément injuste.
Le(s) vrai(s) visage(s) de la coupe du MondeJosé Afonso, Raimundo Nonato, Fábio Luiz, Ronaldo, Marcleudo, José Antônio, Antônio José et Fabio Hamilton aimaient très probablement le foot. Et pourtant ils ne pourront pas assister à la coupe du Monde car ils sont tous morts, victimes des conditions de travail inhumaines dans les travaux de construction des stades et d’infrastructures. L’événement sportif aura aussi certainement un goût amer pour les 170 000 familles expulsées de leur logement au profit de ces mêmes travaux. C’est aussi le cas pour les familles et les amis de l’ouvrier du bâtiment Amarildo et du danseur Douglas, assassinés brutalement et devenus des symboles de la violence policière dans les favelas « pacifiées ». Le fait nouveau, c’est que dans un pays où jusqu’à présent la police tuait des jeunes et des travailleurs pauvres en toute impunité, des mobilisations ont eu lieu jusqu’à imposer une véritable enquête et l’arrestation des responsables.
De Jirau à Rio, le retour de la classe ouvrièreMais les changements en cours au « pays du foot » ne s’arrêtent pas là. Avant même les mobilisations de juin dernier, une succession de grèves avait déjà mis à mal la construction par GDF-Suez du barrage de Jirau dans la région amazonienne, donnant les premiers signes que la classe ouvrière brésilienne commençait à lever sa tête. Des journées de travail de plus de quinze heures, des morts victimes du manque d’assistance médicale, la violence morale et physique des contremaîtres avaient déclenché des véritables émeutes. Plus généralement, toutes les statistiques montrent une augmentation considérable du nombre de grèves depuis 2012. Le dernier exemple de ce « réveil ouvrier » a été la grève victorieuse des balayeurs de Rio (cf article dans l’Anticapitaliste n°235), qui ont saisi le moment du Carnaval pour imposer l’ensemble de leurs revendications. C’est évidemment un scénario de ce type qui fait peur aussi bien aux dirigeants de la FIFA qu’au gouvernement brésilien. Un appel à des manifestations de solidarité internationale est lancé, notamment pour le jour de l’ouverture de la coupe du Monde, le 12 juin. Un cadre unitaire est en train de se construire, le NPA y participera pleinement !
Daniela Cobet