Publié le Mardi 24 novembre 2020 à 09h30.

Élections municipales : défaite du Bolsonarisme et affirmation du PSOL comme force émergente

Après le premier tour des élections municipales, le PSOL apparaît comme le principal renouveau à gauche et acteur central de l'opposition à Bolsonaro.

Les élections municipales du 15 novembre se sont déroulées dans des conditions sans précédent. Dans le contexte de la pandémie de Covid-19, qui a complètement changé la vie politique et sociale en 2020, la participation aux scrutins pour décider du vote des maires et des conseillers municipaux a pris une forme particulière. Le contexte général est celui d'une aggravation de la crise économique et sociale, et d'une apathie qui s'est traduite par une abstention accrue et le début de la reconfiguration de la carte politique nationale, avec un grand perdant : Jair Bolsonaro.

Bien que "l'agenda national" n'ait pas été le centre des débats, les poulains de Bolsonaro, qui a été populaire dans le passé, ont été largement battus. Nous avons eu une élection nationale, certes déguisée, et c'est bien ainsi que nous la définissons. Les élections municipales ont eu lieu alors la population commençait à ressentir les effets de la réduction de l'aide d'urgence, qui sera bientôt supprimée, de la cherté des aliments et des records historiques de chômage et de récession dans les grands centres urbains. La situation de crise sociale a même conduit au report des élections dans l'état de Macapá, qui subit depuis des jours un black-out total.

Au sein de cette mosaïque complexe, nous célébrons une grande victoire du PSOL. Notre parti, qui s'est battu dans tout le pays, s'est imposé comme la principale nouveauté á gauche, donnant force au projet d'oser résister aux marées et aux vagues politiques, la raison de sa fondation en 2004. Nous avons fait un saut de qualité et le PSOL se présente comme un acteur central de l'opposition de gauche à Bolsonaro, avec une forte présence de militants noir(e)s dans nos rangs, souvent les plus votés1 dans les capitales et les grandes villes.

La bataille politique se poursuit au second tour, et le PSOL sera directement présent dans deux capitales :  dans la principale ville du pays, avec Guilherme Boulos qui s'affirme comme référence de masse à São Paulo, et avec Edmilson Rodrigues qui polarise à Belém contre le Bolsonarisme. Dans les prochains jours, nous publierons un bilan plus profond et plus collectif du résultat électoral. Pour l'instant, nous voulons juste souligner les principales caractéristiques des résultats du scrutin de dimanche dernier et mettre en place la bataille pour le deuxième tour et pour la construction organique d'un pôle gauche alternatif à partir de la nouvelle dimension atteinte par le PSOL.

Abstention et victoire de la droite "pro-1988"

Dans une campagne électorale marquée par la pandémie, l'expression populaire dans les rassemblements et les mobilisations a été rendue plus difficile, outre l'interdiction de la plupart des débats télévisés au premier tour. La majorité de la presse a montré un manque d'intérêt conscient pour l'élection, laissant l'électeur moyen avec moins critères de choix et encore moins de motivation pour voter dans un débat politique vide.

En conséquence de la pandémie et du manque d'intérêt, bien sûr, l'abstention a augmenté ainsi que, dans de nombreuses villes, une certaine tendance à "voter pour les mêmes", sauf dans les villes où l'agenda politique local a démoralisé les maires comme Crivella à Rio et Marchezan à Porto Alegre - ce dernier n'est même pas qualifié pour le second tour. En 2020, il y a eu 23,15 % d'abstentions, contre 17,5 % en 2016.

Le camp politique qui est sorti renforcé du premier tour est ce que l'on peut appeler "l'aile droite pro-1988", dans laquelle coexistent les vieux partis, soutien traditionnel du régime, ceux qui ont gouverné avec le FHC, Lula, Dilma, Temer et Bolsonaro, mais qui se sont différencient occasionnellement de ce dernier en défendant les libertés démocratiques face aux manifestations putschistes du Bolsonarisme. Au plan social et économique, ils adhérent á la ligne politique unitaire de la bourgeoise de défense de l'austérité. Nationalement, le principal représentant de ce groupe hétérogène est le président de l'assemblée législative, Rodrigo Maia. Les victoires de Rafael Greca (DEM) à Curitiba, Gean Loureiro (DEM) à Florianopolis, Bruno Reis (DEM) à Salvador et Kalil (PSD) à Belo Horizonte sont des résultats importants de ce camp de droite.

L'échec du Bolsonarisme

Après des mois de manifestations hésitantes quant à sa participation à la campagne municipale, Bolsonaro a décidé soutenir certaines candidatures de maire ou de conseillers municipaux, juste pour voir la plupart de ses poulains échouer. Bolsonaro a atteint des sommets de ridicule pour avoir publié, puis effacé, sur les réseaux sociaux une liste de 55 candidats qui bénéficiaient de son soutien, pour finalement se contenter de voir élu le maire de Ipatinga entre les villes grandes et moyennes. Comme un "Midas à l'envers", ceux qu'il avait adoubés ont subi une défaite amère et démoralisante. C'est le cas pour Celso Russomanno à São Paulo ou encore "Wal do Açaí" à Angra dos Reis. La mauvaise performance de Marcelo Crivella à Rio, la défaite de la candidate Colonelle Fernanda aux élections sénatoriales (supplémentaires) du Mato Grosso et le fait que Carlos Bolsonaro2 n'ait pas été le candidat au conseil municipal mieux voté à Rio de Janeiro, dépassé par les votes reçus par Tarcisio Motta (PSOL) sont autant de manifestations de la faiblesse des paris de Bolsonaro.

Il est utile de rappeler la définition classique du marxisme selon laquelle les élections bourgeoises sont un miroir déformé de la lutte des classes, tant du point de vue du rapport de forces que de la représentation des classes sociales, en gardant à l'esprit que les régimes politiques et la classe dominante agissent pour réduire la force populaire aux urnes. L'échec électoral du bolsonarisme amplifie donc la perception que le gouvernement se dirige vers une plus grande perte de prestige, en raison de la situation mondiale et du déroulement de la crise brésilienne.

 

Ces derniers mois, un nouveau scénario mondial - marqué par des manifestations antiracistes aux États-Unis et dans le monde entier, la victoire du MAS en Bolivie, le "oui" au plébiscite pour la nouvelle constitution au Chili et de "Biden contre Trump" à l'élection présidentielle américaine - et la mobilisation antifasciste dans les grandes villes brésiliennes ont affaibli Bolsonaro et l'ont forcé à mettre un frein à ses tentatives putschistes. Depuis lors, le gouvernement a rencontré des difficultés constantes pour maneuvrer, entre crises de palais, impréparation et improvisation, bien qu'un bref regain de popularité motivé par l'octroi d'une aide d'urgence ait contribué à écarter la possibilité que le "dehors, Bolsonaro" devienne réalité. Dans les mois à venir, l'isolement de Bolsonaro et la crise gouvernementale devraient donc s'accentuer.

Le PSOL se renforce comme un pôle de gauche et une expression de la révolte antiraciste

Le fait nouveau à gauche est la performance du PSOL, en particulier dans les capitales. Non seulement Guilherme Boulos à São Paulo, avec plus d'un million de voix (20,24 %), et Edmilson Rodrigues à Belém, avec près de 250 000 voix (34,22 %) sont qualifiés pour le deuxième tour, mais le PSOL a été le parti qui a reçu le plus de voix pour l'élection du conseil municipal à Porto Alegre, a élu le plus de conseillers á Rio de Janeiro et formera le troisième groupe á São Paulo. Au niveau national, il y a eu une croissance significative par rapport à 2016 : 89 conseillers municipaux et quatre maires ont été élus au premier tour.

Le passage de Guilherme Boulos pour le second tour à São Paulo a permis de développer un pôle d'énergie sociale, dépassant le PT électoralement sur sa gauche dans la principale ville du pays. Le fait que Boulos soit maintenant plus identifié au PSOL l'a aidé à trouver cette voie. Dans les capitales et les grandes villes, le PSOL a également réalisé des performances significatives, en élisant ses premiers conseillers, soit en augmentant le nombre. Cela ne signifie pas que le PSOL soit devenu un pôle de pouvoir, nous en sommes encore loin en raison de l'inégalité des résultats. De plus, le PSOL rencontre encore des difficultés pour avancer un programme plus général pour la crise du pays.

Les résultats du PSOL sont également l'expression des luttes des mouvements antiracistes, des femmes et de la diversité qui ont trouvé dans le parti un espace pour exercer et rendre visibles leurs luttes. Ils sont également l'expression d'une nouvelle situation, dans laquelle de nouveaux cadres et de nouvelles personnalités font un pas en avant et assument de nouvelles responsabilités.

Enfin, il faut tenir compte d'un retard dans la prise de conscience des masses dans le pays : la classe ouvrière reste sur la défensive, et cela freine le développement d'une conscience socialiste, capable, à partir de la montée des luttes démocratiques en cours d'aboutir à une compréhension globale de la nécessité de lutter contre la domination bourgeoise.

Notre courant, le MES, a obtenu de bons résultats dans tout le pays. Nous félicitons les efforts de nos camarades qui ont mis en avant le drapeau de notre parti lors des élections et à s'affirment comme de nouveaux tribuns populaires. Nous célébrons l'élection de Vivi Reis (Belém), Fernanda Miranda et Jurandir Silva (Pelotas-RS), Pedro Ruas et Roberto Robaina (Porto Alegre), Bruna Biondi- Plus de droits pour les femmes (São Caetano do Sul-SP), Josemar Carvalho (São Gonçalo-RJ), Luana Alves et Erika Hilton (São Paulo). Nous avons également milité et appuyé les campagnes du mandat collectif Ativoz (Osasco-SP), de dizaines de conseillers municipaux dans les villes du Rio Grande do Norte, de camarades du FNL3 qui ont élu le maire de Marabá Paulista (SP) et trois conseillers municipaux, en plus des suppléants et de l'élection de dizaines d'alliés politiques au sein du PSOL. Nos parlementaires sont engagés dans la lutte socialiste, feront de leurs mandats un levier des mobilisations populaires et mettront leurs structures au service de la construction d'une alternative révolutionnaire stratégique pour le pays.

Lutter et gagner : mobilisation pour battre la droite au second tour !

Le poids militant du PSOL dans 600 villes brésiliennes, indépendamment des résultats toujours inégaux des élections, est renforcé. C'est le moment de profiter de ces conquêtes pour aller plus loin. Nous avons une bataille importante au deuxième tour : nous allons nous mobiliser avec force pour gagner à São Paulo et à Belém, pour transformer ces villes en avant-postes dans la lutte contre le bolsonarisme et pour la défense des droits de notre peuple. Dans le cas de Belém, ce sera aussi un affrontement entre un bolsonariste en pleine ascension et le PSOL, et la victoire est possible.

Dans les villes où il y a une lutte acharnée contre les bolsonaristes ou entre des projets antagonistes, comme à Porto Alegre, nous soutiendrons, de manière indépendante et critique, un pôle anti-droite et anti-austérité.Ainsi, nous nous mobiliserons avec énergie au cours des deux prochaines semaines pour que notre parti sorte victorieux des luttes en cours. Notre plus grand défi, à son tour, est de convertir cette force électorale croissante en influence sociale, en organisation et en activité.

  • 1. Au Brésil, en fait, il y a deux élections municipales parallèles. L'élection du maire (prefeito) est une majoritaire classique. Les conseillers municipaux (vereadores) sont eux élus à la proportionnelle sur la base d'une liste pour chaque parti. Les électeurs peuvent voter soit pour la liste dans son ensemble, soit comme c'est souvent le cas pour un candidat particulier. Les élus sont choisis dans l'ordre des votes nominaux. Dans ce contexte le succès des candidats noirs (comme d'ailleurs des femmes et des candidats LGBTIQ+) est significatif : ils ont été plébiscités par les électeurs (NdT)
  • 2. Um des trois fils politiquement actifs de Bolsonaro. Il avait été en 2016 le conseillé municipal de Rio le mieux voté (NdT)
  • 3. FNL, Front National de Lutte, organisation de masse qui lute pour une reforme agraire (et urbaine) radicale (NdT)