Retour sur les résultats du premier tour de l’élection présidentielle au Brésil le 2 octobre, avec des extraits d’une analyse publiée par Marcelo Badaró Mattos sur le site Esquerda on line.
La première leçon, évidente mais encore difficile à assimiler, est la suivante : l'optimisme de la volonté ne pourra jamais remplacer le réalisme de l'analyse. La force sociale du néofascisme bolsonariste — ainsi que le vote Bolsonaro par rapport au premier tour de 2018 — s'est accrue et solidifiée. L'impressionnante stabilité du soutien d'environ un tiers de l'électorat, avec certes des fluctuations, relevée dans les sondages tout au long de son mandat, malgré toute les politiques de destruction et de mort des quatre dernières années, en est le signe le plus visible.
En outre, on a sous-estimé la force de l’hostilité au Parti des travailleurs (« anti-PTisme »), qui se manifeste dans de larges couches de la société, notamment dans le Centre-Sud du pays. Cet anti-PTisme est encore à même de favoriser un « vote utile » pour Bolsonaro, comme l'ont montré ses résultats à São Paulo et Rio de Janeiro, bien plus élevés que ce que les sondages électoraux avaient indiqué.
Ne pas commettre d'autres erreurs
L'optimisme des calculs mathématiques qui éludent la lutte politique et sociale est trompeur : « Lula a une avance de six millions de voix », « Il suffit de gagner 2% d'électeurs supplémentaires » et autres formules auto-persuasives. Bolsonaro a puisé des voix dans la dernière ligne droite pour se rapprocher de Lula, et il a peut-être encore des « réserves » chez les électeurs de Tebet1, de Ciro2 et du côté des votes blancs et nuls.
Plus encore, nous devons apprendre, une fois pour toutes, que la campagne d'un néo-fasciste ne passe pas seulement par les chemins éclairés des « règles du jeu » d’un « festival démocratique » à propos desquelles les commentateurs de service insistent tant.
Pour cette raison même, le raisonnement « institutionnaliste » qui a jusqu'à présent dominé la direction de la campagne du PT, selon lequel il suffirait d'ajouter d’autres formations au sein du large front électoral, pourrait être désastreux lors de ce second tour. Nous ne disons pas que nous ne pourrons pas le faire. [Mais] même si elles rejoignent le front, rien ne garantira que leurs votes seront captés par Lula.
La victoire électorale passera par la rue
Pour vaincre électoralement le bolsonarisme le 30 octobre, et c'est la principale leçon que nous devons tirer des résultats du premier tour, il faudra que les gens soient dans la rue, avec Lula, pour transformer l'actuelle majorité électorale en une vague de soutien populaire. Une vague suffisamment visible et expressive pour entraîner des fractions de ceux qui se sont abstenus au premier tour, des électeurs non corrompus des autres candidats, et pour convaincre ceux qui sont affectés et menacés par la vigueur du néofascisme qu'il est possible de chasser Bolsonaro du palais présidentiel.
Il faudra emmener Lula dans la foule, comme sur les collines de Salvador, le faire évoluer au milieu des masses, comme dans les rues de São Paulo, et faire des quatre prochaines semaines le processus de mobilisation socio-politique le plus intense de la dernière période. Même si la coordination de sa campagne continue de miser sur des accords venus d'en haut avec les directions des partis bourgeois et leurs représentants, il est nécessaire de la pousser en direction de la rue. Le vote décisif viendra de l'expansion de l'avantage là où il existe déjà : dans les parties les plus pauvres de la classe ouvrière, chez les femmes, chez les noirs, chez les jeunes, dans le Nord-Est.
Parce que notre avenir en dépend et parce que nous le devons à la mémoire des presque 700 000 victimes de la pandémie ; à ceux qui tombent dans les massacres policiers quotidiens ; et aux millions de personnes qui meurent de faim.
« Le seul combat qui est perdu est celui qui est abandonné » : nous n'abandonnerons pas celui-ci.
Traduction J.S.