Les frontières de l’UE tuent et font le lit de l’extrême droite : telles sont les conclusions qui s’imposent après la lecture du rapport de la Cimade intitulé « Dedans, dehors, une Europe qui s’enferme » (juin 2018)1.
Les gouvernements des États-membres prétextent la « crise des migrants » et la lutte contre le terrorisme pour justifier la fermeture des frontières.
Les frontières ne servent qu’à refouler les migrantEs
Néanmoins le rapport de la Cimade est sans appel, la crise des migrantEs n’existe pas : c’est une crise des politiques d’accueil. Les mesures antiterroristes ne servent qu’à refouler les migrantEs. En France, les contrôles frontaliers sont systématiques uniquement aux frontières avec l’Italie et l’Espagne et ont pour objectifs le blocage, l’enfermement et le refoulement des migrantEs. Sur 75 000 refus d’entrée aux frontières terrestres de la France en 2017, seuls 70 étaient liées à des soupçons de terrorisme.
Le rapport souligne également que les arguments humanitaires ne tiennent pas. Les dirigeants européens vont jusqu’à sous-traiter la gestion des flux migratoires à des pays comme la Libye. En déléguant en partie le contrôle de ses frontières maritimes aux garde-côtes libyens, alors que certains sont liés à des réseaux criminels de passeurs, l’UE ne fait que remettre les migrantEs dans les mains de leurs bourreaux.
Les frontières tuent
Le rapport met en lumière la systématisation des pratiques illégales de contrôle, de non-traitement de demandes d’asile et d’enfermements aux frontières en contradiction avec le droit international. Le blocage des frontières rend plus vulnérables les migrantEs qui empruntent des routes plus longues et plus dangereuses et entraîne la formation de « jungles » aux conditions d’hygiène et de sécurité inhumaines.
Plus de 40 000 migrantEs sont mortEs aux frontières européennes depuis 1990, 5 000 personnes ont disparu en Méditerranée en 2016. L’UE se félicite de la baisse du nombre de mortEs en Méditerranée en 2017, alors que les personnes qui n’ont pas pu prendre la mer sont souvent torturées, violées, enfermées et vendues comme esclaves ou meurent dans le désert ou les prisons libyennes.
Le lit du militarisme, de l’impérialisme et du fascisme
La politique de fermeture se traduit par un renforcement de la présence policière et militaire et des prérogatives de l’armée et de la police, aux frontières mais aussi sur tout le territoire. Frontex est l’agence européenne la plus financée en 2018, avec plus de 320 millions d’euros. L’UE sous-traite la gestion violente des flux migratoires à des pays comme la Libye, la Turquie, le Soudan ou l’Afghanistan, dans une logique impérialiste et militaire. Cette logique de délégation est également à l’œuvre au sein de l’Europe auprès des pays périphériques tels que la Hongrie, la Grèce et l’Italie, pays en première ligne de la gestion des frontières extérieures et de la violence qui l’accompagne. C’est dans ces pays que le danger fasciste pèse le plus : le gouvernement d’extrême droite en Hongrie va jusqu’à encourager la formation de milices civiles aux frontières. L’UE s’accommode de l’émergence de régimes autoritaires et fascisants, et l’on peut même affirmer qu’elle les favorise par sa politique migratoire.
La Cimade termine son rapport avec une série de recommandations à l’UE, qui vont dans le bon sens. Pour nous, il ne fait aucun doute que pour lutter contre le péril fasciste et avec les migrantEs, il faut ouvrir les frontières !
Élisa et Hugo (Paris 17-18)