Publié le Samedi 18 octobre 2025 à 09h00.

Madagascar, le régime de Rajoelina s’écroule

Mobilisée depuis près de deux semaines, la jeunesse qui se baptise elle-même « GenZ », en référence aux mobilisations qui se déroulent aux quatre coins du monde, a gagné sa lutte contre le régime du président Rajoelina.

Cette jeunesse a dû faire face à une répression féroce : au moins une vingtaine de morts et des dizaines d’arrestations ont frappé les jeunes manifestantEs, mais aussi les syndicalistes qui se sont ralliéEs à cette bataille. Si, au départ, la mobilisation a commencé sur des questions de pénurie d’eau et d’électricité, elle a très rapidement débouché sur des revendications politiques, notamment le départ de Rajoelina.

L’armée lâche le régime

Alors que, samedi 11 septembre, les manifestantEs étaient encore plus nombreux que les jours précédents, un fait décisif est survenu : l’entrée sur la scène des militaires du CAPSAT. Leur colonel, Michael Randrianirina, a appelé l’ensemble des forces de l’ordre à cesser de tirer sur les manifestantEs et à ne plus obéir aux ordres du gouvernement, indiquant dans la même déclaration : « Les jeunes peinent à trouver du travail alors que la corruption et le pillage des richesses ne cessent de s’accroître sous différentes formes », et que « les forces de l’ordre persécutent, blessent, emprisonnent et tirent sur nos compatriotes ».

Le Corps d’administration et des services techniques des armées (CAPSAT) est le service de gestion de la logistique de l’armée : il gère donc le matériel et est responsable du stockage des munitions. Dans l’armée, être muté au CAPSAT est souvent synonyme de voie de garage. C’est ainsi que Michael Randrianirina, ancien chef de la région d’Androy, dans le sud du pays, s’est retrouvé muté au CAPSAT en raison de différends politiques avec les autorités.

Un corps d’armée particulier

Cependant, cette unité a joué un rôle déterminant dans la vie politique récente de la Grande Île. En effet, en 2009, alors que de grandes manifestations éclataient dans tout le pays contre le président de l’époque, Marc Ravalomanana, c’est l’intervention du CAPSAT qui a permis de le renverser pour mettre à la place un jeune politicien, maire de la capitale Antananarivo : un certain Andry Rajoelina.

Le CAPSAT est la seule unité dont la caserne est à l’intérieur même de la capitale, dans le quartier de Soanierana, contrairement aux autres qui sont situées à Ivato, près de l’aéroport international, à une trentaine de kilomètres du centre. Les militaires du CAPSAT côtoient quotidiennement les habitantEs de la capitale et partagent les exigences des populations.

Les officiers du CAPSAT ont déclaré que l’ensemble de l’armée a basculé du côté des mutins. Cela s’est matérialisé par la passation du pouvoir à un général adoubé par le CAPSAT.

Quant à Andry Rajoelina, il a été exfiltré par un avion de l’armée française, lui permettant ainsi d’échapper à ses responsabilités dans le pillage économique de la Grande Île par son clan et les violences contre les jeunes, qui ont fait plus de vingt morts et une centaine de blesséEs, tout en refusant de démissionner.

Reste la tâche la plus importante et aussi la plus difficile : le changement radical du système, une exigence des populations.

Paul Martial