Publié le Dimanche 1 juin 2025 à 09h00.

Nous refusons. Dire non à l’armée en Israël, de Martin Barzilai

Éditions Libertalia, collection Orient XXI, 2025, 144 pages.

Avec ce volume qui comprend 15 entretiens réalisés en 2023 et en 2024, avant et après le 7 octobre, Martin Barzilai poursuit son œuvre commencée en 2017 avec Refuzniks. Dire non à l’armée en Israël (Libertalia).

« Celles et ceux que j’ai pu rencontrer au début de mon travail en 2008 et 2009 ont parfois quitté le pays, dégoûtés. D’autres continuent de lutter tant bien que mal », écrit-il aujourd’hui dans son avant-propos. Car depuis un an et demi « ceux qui refusent s’exposent plus que jamais à l’ostracisme. »

À contre-courant d’un consensus militariste constitutif d’un État israélien construit sur la force des armes, dans cet ouvrage photographique et documentaire, Martin Barzilai donne la parole à celles et ceux qui refusent de servir dans l’armée. En petit nombre, marginaliséEs, exposéEs à l’isolement ou à la prison, ces jeunes que l’on appelle « Refuzniks » s’opposent à une société qui érige le service militaire en norme civique et morale.

En quinze portraits sensibles, composés de photographies et de récits, Nous refusons met en lumière une dissidence qui fait l’objet d’une omerta générale dans la société israélienne. Chaque trajectoire est singulière : certainEs dénoncent l’occupation, d’autres rejettent plus largement la structure raciste de l’État ou refusent d’être les rouages d’un appareil militaire oppressif. Dans tous les cas, il s’agit d’une rupture avec la logique d’un État fondé sur la domination.

Préfacé par le cinéaste Eyal Sivan, Nous refusons restitue avec rigueur, pudeur et justesse les visages d’une rupture minoritaire ― qui n’est pas toujours dénuée de contradictions. Ces refus sont parfois discrets et douloureux. L’engagement qu’ils supposent est immense compte tenu des conséquences sociales, familiales et judiciaires. 

Cette dissidence marginale ne peut à elle seule dessiner des perspectives de justice pour la Palestine — et rien ne laisse présager aujourd’hui qu’elle puisse s’élargir sans un bouleversement extérieur. Mais en temps de guerre totale où toute critique de l’armée devient suspecte, ces voix sont précieuses.

Olivier Lek Lafferrière