Publié le Jeudi 22 octobre 2015 à 10h54.

Union européenne : Des droits humains facultatifs

Le Conseil européen rassemblant les chefs d’État des 28 pays de l’UE s’est réuni le jeudi 15 octobre à Bruxelles, avec comme principal point à l’ordre du jour la gestion des frontières de l’UE face au flux migratoire actuel. À cette occasion, trois jours de protestation contre les orientations austéritaires et sécuritaires de l’UE étaient organisées dans la capitale belge.

On ne se lasse pas de cette langue de bois : « Faire face à la crise des migrants et des réfugiés est une obligation commune qui requiert une stratégie globale et un effort résolu s’inscrivant dans la durée, dans un esprit de solidarité et de responsabilité »...

Leur cynisme meurtrier...

En fait, leur « esprit de responsabilité » consiste à tout mettre en œuvre pour empêcher les personnes fuyant les crises humanitaires de pénétrer dans la Forteresse Europe, et pour organiser les « réadmissions » des migrantEs et réfugiéEs dans les pays du sud et de l’est de la Méditerranée, voire dans les pays qu’ils et elles ont fuis...

Alors que deux immigrants africains étaient tués à Mellila, et un réfugié afghan abattu à bout portant à la frontière bulgare, l’UE se dote d’une belle panoplie de nouveaux outils d’oppression. Ainsi le « plan d’action commun » avec le président turc Erdogan pour que son pays retienne fermement les un à deux millions de réfugiés, essentiellement de Syrie mais aussi d’Asie centrale et d’Afghanistan, qu’il héberge depuis plusieurs années. Ce n’est donc pas le moment de pointer les gravissimes attaques à la démocratie dont se rend coupable Erdogan !

L’UE veut aussi forcer les pays du sud de la Méditerranée à gérer de manière systématique des « hotspots », c’est-à-dire des grands camps durables d’hébergement et de tri des réfugiéEs, dans lesquels l’Europe choisirait par quotas divers et variés, ceux qui seraient admis à entrer… Les autres qui ne peuvent pas retourner à court terme dans leur pays resteraient parqués sur place, et les migrants économiques décelés, seraient renvoyés fermement à leur misère.

Par ailleurs, des « mesures opérationnelles concrètes » visent à lutter contre les réseaux criminels permettant aux migrants d’arriver en Europe, et à promouvoir cette fameuse « réadmission » des migrants dans leurs pays d’origine. Et, avec Frontex, les préoccupations policières sont prégnantes.

Dans leur « esprit de solidarité », les chefs d’État de l’UE n’ont pas oublié de recommander l’augmentation des aides financières aux structures d’aide humanitaire comme le HCR : un milliard pour la Syrie, 1,8 milliard pour l’Afrique subsaharienne. Le problème est qu’ils les ont d’abord réduites drastiquement !

Comme souvent, la palme de l’hypocrisie va au gouvernement français qui comptabilise le coût de ses interventions militaires en Afrique dans « l’aide au développement ». Les dirigeants de l’Union européenne cherchent toujours plus à éluder les principes démocratiques et humanitaires de base, comme ceux de la Convention de Genève adoptée en 1951 par tous les États de l’ONU, et pour laquelle l’accueil et la protection des réfugiés et demandeurs d’asile sont des obligations...

Notre résistance, encore et toujours

Au moment de ce sommet, les mouvements sociaux européens ont appelé à la mobilisation pour mettre en accusation les responsables de l’Union européenne. Des EuroMarches symboliques contre l’austérité ont convergé vers Bruxelles, la plus significative formée de quelques dizaines de militants du sud de l’Espagne, partis de Gibraltar et passant entre autres étapes, par Andorre, Luxembourg et Calais pour dénoncer les paradis fiscaux comme les lieux de déshumanisation européens.

Jeudi 15 octobre, ils ont été rejoints à Bruxelles par plusieurs centaines de militantEs et altermondialistes pour tenter de bloquer le quartier des insti­tutions européennes. Une centaine d’entre eux ont été interpellés puis relâchés dans la soirée.

Vendredi 16, plusieurs conférences étaient organisées, dont l’une par le réseau « Blockupy » très actif en Allemagne, avant un meeting rassemblant les préoccupations communes des différents mouvements, meeting ouvert par Susan George.

Une autre conférence était organisée par le CADTM et Attac contre la dictature de la dette. L’ancienne présidente du Parlement grec, Zoé Konstantopoulou, y a rappelé que ce qui s’est passé en Grèce avec la politique punitive d’imposition du troisième mémorandum, est une expérience de ce qui attend le reste de l’Europe. L’eurodéputé de Podemos Miguel Urban affirmait que, cette année, on a vu que les marchés financiers pouvaient faire un coup d’État sans tanks, quand ils veulent écraser les revendications venant de la rue. Et Éric Toussaint a insisté sur les suites à donner à ce type d’échanges, pour la solidarité avec les populations les plus attaquées, pour la mise en cause de l’austérité, de la dette, des paradis fiscaux, sur la justice fiscale, et globalement pour poser centralement la question démocratique en Europe. Des rendez-vous de convergence ont été proposés.

Enfin, samedi 17 octobre, la manifestation de clôture a rassemblé quelques milliers de participantEs seulement, mais exprimait la résistance des mouvements sociaux qui, chacun dans leur pays, ont récemment mobilisé très largement : syndicalistes et féministes contre l’austérité, mouvements contre le TTIP/TAFTA (le Traité transatlantique en négociation visant à un nouveau saut qualitatif dans l’ultralibéralisme), contre le paiement de la dette publique, pour le droit au logement, pour la solidarité avec les migrants et les sans-papiers… Avec d’autres délégations de forces anticapitalistes, le NPA y était présent. À suivre !

Jacques Babel