Le 7 janvier 2025, nous célébrions la mort de Jean-Marie Le Pen. Et si l’homme est enfin mort, ses idées sont malheureusement bien vivantes. Nous publions ici un texte présentant l’édition numérique d’un livre de Maurice Rajsfus (1928-2020), militant infatigable contre l’extrême droite. Nous continuons son combat contre le fascisme quelle que soit la forme qu’il prend.
Pas de quoi se lamenter ! L’occasion, en tout cas, de lire ou relire le recueil d’articles de Maurice, intitulé En gros et en détail, Le Pen au quotidien 1987-1997. Ce livre était paru initialement aux éditions Paris-Méditerranée en 1998. Il est de nouveau disponible, dans un format numérique, téléchargeable gratuitement, sur le site de l’association des Ami·es deMaurice Rajsfus.
Pour celles et ceux qui s’interrogent sur les racines et l’AD-Haine du F-Haine devenu R-Haine, il y a du grain à moudre dans ces différentes chroniques, ces articles ou ces éditoriaux parus, pour la plupart, dans le mensuel Ras l’Front, organe de presse du réseau antifasciste du même nom, créé en 1990 et dont Maurice fut le président durant plusieurs années.
Il n’est qu’à lire l’extrait suivant de l’introduction de l’édition d’origine, pour saisir, malheureusement, à 25 ans de distance, l’actualité de ces écrits antifascistes : « En 1998, le Front national est, plus qu’une menace, un danger immédiat. Même s’il ne dispose pas encore d’une masse militante significative, le parti de Jean-Marie Le Pen voit son idéologie circuler sans la moindre difficulté. Le Front national fait désormais partie du paysage politique et cette situation paraît naturelle au plus grand nombre. Peu importe que ce parti se revendique de la démocratie avec un projet non dissimulé de la supprimer. Le Font national est toléré, sinon accepté, par l’opinion publique. »
Certes, la secousse du 21 avril 2002 n’était pas encore advenue et encore moins celles des seconds tours des élections présidentielles de 2017 et 2022 et l’irruption de 89 député·es bruns au Palais Bourbon, en juin de cette même année. Cependant, le remplacement de Front par Rassemblement et la disparition du père au profit de la fille, ne changent en rien les analyses historiques. Seuls les diagnostics politiques et sociaux se sont aggravés, après 25 années de contre-réformes libérales, fauteuses de précarisation et de misère, terreau sur lequel les postures xénophobes et les discours de rejet et d’exclusion prospèrent. À tel point que nombre des obsessions de cette engeance fascisante, comme le délire de la submersion migratoire, ont désormais pénétré profondément dans de nombreux secteurs de la société et sont reprises, sans filtre, par de prétendus journalistes qui paradent dans les médias contrôlés, entre autres, par le milliardaire Bolloré. À tel point également que la droite classique, Les Républicains en tête, et la droite actuellement au pouvoir courent après les idées fixes de l’extrême droite par effet de conviction ou par calcul particulièrement mortifère. Une course où, à la fin, aucun de ces apprentis sorciers ne sortira vainqueur.
Certes, la pseudo normalisation du F-Haine, devenu R-Haine, a également entraîné le développement de courants néofascistes plus radicaux qui rejettent la « tiédeur » de la maison-mère, comme l’ont montré la campagne du dénommé Zemmour et les 7 % de suffrages exprimés, obtenus lors des présidentielles de 2022. Courant d’extrême droite qui a rallié à lui, le temps de cette campagne, les groupes néonazis, royalistes, suprémacistes et antisémites les plus divers, pour assurer les collages, la sécurité des meetings et faire le coup de poing, si nécessaire, comme à Villepinte. Ce sont ces groupes radicaux, qui se comptent aujourd’hui par dizaines, qui font régner la terreur dans certains quartiers comme à Lyon et d’autres grandes villes, ainsi que dans un certain nombre d’universités.
Ce développement de groupes qui prospèrent sur la nostalgie du fascisme et du nazisme ne peut que renforcer notre volonté d’en dénoncer les méfaits et les liens maintenus, quoi qu’en dise la maison-mère, avec le F-Haine devenu R-Haine.
Pour toutes celles et tous ceux qui n’entendent pas se laisser abuser par une dédiabolisation de façade du lepénisme et par une respectabilité en trompe-l’œil, acquise à l’Assemblée nationale avec la complicité de la macronie, ces écrits les éclaireront sur l’héritage clairement fascisant de ce parti qui roule pour une ambition personnelle. Hier, celle du père ; aujourd’hui, celle de la fille. Face au danger de cette marée brune qui ne cesse de monter, il nous est apparu nécessaire de mettre à disposition ces écrits qui révèlent le véritable visage du lepénisme, hier comme aujourd’hui : celui de la barbarie. Lisez-les et faites-les circuler !
Cette édition numérique est augmentée d’une préface inédite, rédigée par Ugo Palheta. Nous l’en remercions vivement. Merci également à Loïc Faujour pour l’illustration de couverture.
* Ce texte est initialement paru sur le blog Mediapart de Philippe Rajsfus.
Le fichier est à télécharger ici : https ://www.mauricerajsfus.org/telechargements/