Publié le Vendredi 3 mai 2019 à 12h15.

Politiques migratoires : Macron court après la droite et l’extrême droite

Parmi les thèmes évoqués par Macron lors de sa conférence de presse, les questions migratoires ont occupé une place bien particulière. Elles ont en effet été utilisées par le président, au côté de ses développements belliqueux sur la « laïcité », comme un marqueur idéologique et un véritable appel du pied aux électorats de la droite et de l’extrême droite. 

Le 8 avril dernier au Grand palais, le Premier ministre Édouard Philippe rendait ses « conclusions » relatives au « Grand débat ». On avait alors pu noter que les questions d’immigration n’avaient pas été évoquées, peut-être parce que sur les 135 000 contributions recensées, seulement 5 000 (soit moins de 4%) évoquaient ce thème. 

Grosse ficelle

Changement de ton lors de la conférence de presse présidentielle du 25 avril. Il faut dire que dans ses précédentes interventions, Macron avait annoncé la couleur. Le 10 décembre, lors de son allocution télévisée, il déclarait ainsi : « Je veux que nous mettions d’accord la nation avec elle-même sur ce qu’est son identité profonde, que nous abordions la question de l’immigration. » Rebelote le 13 janvier, dans sa « Lettre aux Français », cette fois sous forme interrogative : « Que proposez-vous pour améliorer l’intégration dans notre Nation ? En matière d’immigration, une fois nos obligations d’asile remplies, souhaitez-vous que nous puissions nous fixer des objectifs annuels définis par le Parlement ? Que proposez-vous afin de répondre à ce défi qui va durer ? » La ficelle était un peu grosse et, de l’aveu même des cadres de LREM présents dans des réunions du « Grand débat », les questions de politique n’ont quasiment pas été posées, largement supplantées par les questions de salaires et de revenus, de fiscalité et de démocratie. 

« Le combat en matière de migrations » 

Mais qu’à cela ne tienne ! Le 25 avril, Macron décidait de sortir l’artillerie lourde, avec un ton et des propos qui ont dû faire pâlir de jalousie la droite et même une partie de l’extrême droite : « Pour être ouvert, il faut avoir des limites. Pour accueillir il faut avoir une maison. Donc il faut des frontières, il faut qu’elles soient respectées, il faut des règles. Et aujourd’hui, force est de constater que les choses ne tiennent pas comme elles devraient. D’abord au niveau européen. Nous avons décidé d’avoir des frontières communes, c’est le fameux espace Schengen, avec les règles des accords de Dublin. Cela ne marche plus. Et pour moi, c’est le deuxième grand combat européen, avec le climat, c’est le combat en matière de migrations. » Des propos qui font écho à la fameuse alternative proposée le 26 octobre dernier dans le premier spot gouvernemental sur les élections européennes : « Immigration : maîtriser ou subir ? » 

Vraie-fausse alternative

En matière de politique migratoire, le « en même temps » macronien est en effet assez simple : « L’Europe à laquelle je crois, l’Europe souveraine, forte, c’est une Europe qui repense une ambition de coopération, de développement, à l’égard de l’Afrique et de toutes celles et ceux qui en ont besoin, pour éviter les migrations subies, mais c’est aussi une Europe qui tient ses frontières, qui les protège. » Soit un subtil équilibre entre « tout faire pour que les gens ne partent pas » (car on sait que les politiques de « coopération » s’accompagnent d’accords drastiques sur les questions migratoires) et « tout faire pour que les gens n’arrivent pas ». 

Et de s’en prendre ensuite, dans une diatribe hallucinée, à « ces [États] qui ne veulent pas tenir la frontière commune et sont dans le laxisme » (mais de qui parle-t-il ?), ainsi qu’à « ces États qui vous disent "J’en suis pour ce qui est de la liberté de circulation mais je ne veux pas en être quand il s’agit de répartir la charge, pas de solidarité chez moi" ». Les migrantEs qui fuient la guerre et la misère et se voient réduits à un statut de « charge » apprécieront… Tout cela pour conclure sur la nécessité de « refonder Schengen, quitte à ce que ce soit un Schengen avec moins d’États », afin de bunkériser encore un peu plus l’Europe. La plaisanterie « Macron, rempart contre l’extrême droite » ne fait définitivement plus rire…

Julien Salingue