L’Assemblée nationale a démarré l’examen du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie. L’enjeu principal : définir les conditions de l’accompagnement de la fin de vie et de l’aide à mourir. Plusieurs associations de personnes handicapées viennent de faire connaître leurs réserves.
Profondément attachées à l’autonomie des personnes handicapées, à leur insertion dans la société, elles militent pour la liberté de choix et celle de disposer jusqu’au bout de leur corps. Elles s’inquiètent aujourd’hui du tour pris par le débat autour de l’aide à mourir.
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Céline Extenso, militante antivalidiste, co-fondatrice du collectif handi-féministe Les Dévalideuses, écrit dans Politis : « Dans un monde idéal, où les personnes handicapées seraient dignement aidées à vivre, l’aide à mourir irait de soi. Mais dans le monde réel, libéraliste et validiste1, cette mesure est une porte ouverte doucereuse sur l’eugénisme, que nous ne pouvons accepter sans tirer la sonnette d’alarme. »2
Avant de pouvoir mourir dans la dignité, il faut pouvoir vivre une vie digne. Le choix de la mort ne doit pas être biaisé. Âgées ou pas, la grande majorité des personnes concernées par l’aide à mourir sont des personnes handicapées.
Et pourtant, si 20 % de la population a un handicap, ce critère n’a pas été retenu pour choisir les participantEs à la Convention citoyenne sur la fin de vie. Ni les associations de patientEs ni les personnes handicapées n’ont été représentées.
Une place pour vivre
Trop souvent privées de leurs droits fondamentaux, massivement ségréguées dans des institutions, privées d’accessibilité au bâti, aux espaces publics, aux transports, elles sont privées des moyens d’une vie autonome par une compensation des handicaps très insuffisante et qui se réduit.
Alors oui, les associations antivalidistes craignent qu’une telle loi accoutume la société au fait que certaines vies ne sont plus dignes d’être poursuivies et autorise des dérives. Comme le redoute Charlotte Puiseux3 : « D’abord, l’aide médicale à mourir concerne uniquement des adultes “en phase terminale”, puis on élargit aux personnes souffrant de maladies chroniques, aux personnes handicapées, aux personnes souffrant de troubles psychiatriques, aux mineurs ».
L’exigence légitime d’une liberté de choix ne peut se faire au détriment des plus vulnérables et sans questionner les conditions réelles de son exercice pour toutes et tous. Les associations antivalidistes doivent être entendues, leurs craintes prises en considération.
Laetitia — « tatouée à roulettes » — le dit simplement dans son blog : « Je veux vivre à vos côtés. Je souhaite que vous me fassiez de la place avant de me dire que j’ai le droit de mourir. Réfléchissez-y avant de penser qu’une telle évolution serait forcément une avancée. »4
Commission antivalidisme
- 1. Le validisme désigne le système d’oppression subi par les personnes handicapées du fait de leur non-correspondance aux normes médicales établissant la validité.
- 2. « Fin de vie : pour les personnes handicapées, "la mort ou quelle vie ?" », Politis, n° 1 802.
- 3. Charlotte Puiseux, membre des Dévalideuses, psychologue et docteure en philosophie, spécialiste du mouvement CRIP (mouvement de personnes handicapées s’inspirant des théories et luttes queer), a écrit De chair et de fer, La Découverte, 2022.
- 4. https://wheelinked.com/i…