La décision du tribunal administratif d’annuler la déclaration d’utilité publique du futur hôpital Grand Paris Nord à Saint-Ouen (93), qui fusionnait les hôpitaux Beaujon (Clichy) et Bichat (Paris 18e) et supprimait au passage plusieurs centaines de lits, est une victoire à mettre à l’actif de nos luttes.
Depuis son élection, Macron a fermé 21 900 lits d’hôpitaux, selon les chiffres très officiels de la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) : 4 300 en 2017, 4 200 en 2018, 3 400 en 2019, 5 700 en 2020, 4 300 en 2021, selon les derniers chiffres disponibles. La crise covid ne leur a donc rien appris. Malgré les belles déclarations d’Olivier Véran lors du Ségur de la santé de juillet 2020, disant « en avoir fini avec le dogme de la fermeture de lits », la baisse s’est poursuivie en 2020 et 2021, avec 10 000 lits fermés. Entre 2003 et 2021, ce sont en tout 85 000 lits hospitaliers qui ont été fermés !
Fermetures de lits et grand centre hospitalier
Le gouvernement et l’AP-HP voulaient remplacer les hôpitaux Bichat (Paris 18e) et Beaujon (Clichy, 92) par le nouvel hôpital Grand Paris Nord à Saint-Ouen. Et profiter du transfert pour supprimer encore des centaines de lits. Alors la décision du tribunal administratif, le 10 juillet, d’annuler sur le fond la déclaration d’utilité publique de cet hôpital estimé à 1,3 milliard d’euros, qui devait devenir en 2028 le plus grand centre hospitalo-universitaire de France, est une belle victoire contre la gestion comptable et austéritaire de la santé, qui met en danger la santé des populations.
Saisi par Sud Santé, Olivier Milleron du collectif Inter-hôpitaux, des militantEs du collectif de défense des hôpitaux Bichat/Beaujon, des usagerEs et des riverainEs, « le tribunal a relevé que l’opération conduisait à diminuer, à périmètre constant, le nombre de lits d’hospitalisation de 1 131 à 941, le nombre de places en ambulatoire de 207 à 173 et le nombre de naissances pouvant être accueillies de 3 238 à 2 000 ». Et l’on pourrait rajouter pour l’accueil aux urgences, une baisse programmée de 120 000 à 110 000 patientEs par an ! Le tribunal va jusqu’à parler d’une « atteinte au droit fondamental à la protection de la santé ».
Des hôpitaux proches de la Seine-Saint-Denis
Ces baisses de lits sont d’autant plus scandaleuses que la Seine-Saint-Denis toute proche est le premier désert médical de France, que la mortalité périnatale y est la plus élevée. Sans oublier que si les projets gouvernementaux prévoyaient de baisser le nombre d’accouchements réalisé de 3 238 à 2 000 dans le nouvel hôpital public, trois maternités privées sont en même temps menacées de fermetures dans le département. Un pur scandale pour la santé des femmes et des nourrissons !
Le département, avec 5,4 décès avant un an pour 1 000 naissances, affiche le plus haut taux de mortalité infantile de France métropolitaine, presque le double de celui de la Haute-Saône, de l’Indre, du Morbihan ou des Hauts-de-Seine qui présentent moins de 3 décès pour 1 000 naissances. Seuls les départements d’outre-mer dépassent ces tristes chiffres, avec une mortalité périnatale qui oscille entre 6,7 à 8,9 pour 1 000 naissances. Une mortalité qui s’aggrave, alors qu’elle n’était que de 4,8 décès avant un an pour 1 000 naissances en 2014. Manque de lits, manque de sages-femmes (une sur trois manquent à l’appel en Seine-Saint-Denis), manque de suivi médical des grossesses se conjuguent souvent avec une grande précarité économique des femmes, souvent racisées. Cette précarité favorise plus qu’ailleurs des pathologies — obésité, diabète, hypertension, etc. — qui sont autant de facteurs de risque.
Il fallait s’y attendre, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a fait appel. Alors n’en doutons pas, le Tour de France pour la santé qui se prépare activement, pour un budget pour sortir de la crise et satisfaire les revendications des populations, devrait aussi passer par la Seine-Saint-Denis.