EHPAD, crise hospitalière, déserts médicaux, « tiers payant »… depuis des semaines les décisions du président « jupitérien » sur les questions de santé étaient annoncées pour ce mois de juin. Pourtant, rien de tout cela ne fut abordé le 13 juin dans le long discours de Macron au congrès de la Mutualité (voir p. 2).
Le sujet brûlant des EHPAD est renvoyé à la fin 2019, après un « débat national ». Sur l’hôpital, il faudra attendre. Une seule mesure concrète, qui cherche à conforter l’image du président qui « tient ses promesses » : la réalisation du « reste à charge zéro », c’est-à-dire le remboursement intégral, dans certains cas, des frais de lunettes, de prothèses dentaires et auditives, présenté par Macron comme une « conquête sociale essentielle ».
Promesse de campagne
C’était, en effet, l’une de ses principales promesses de campagne, et sans doute l’une des plus populaires, tant le coût de ces dispositifs s’avère souvent un obstacle dissuasif, avec des conséquences graves sur la santé et la vie quotidienne.
Le « reste à charge zéro », pour les lunettes et les prothèses dentaires et auditives, est avec le « tiers payant » pour les consultations et actes de soin, et la gratuité des médicaments prescrits, une des conditions d’égalité de tous devant les soins. Il devrait signifier la prise en charge intégrale, sans avance de frais, de toutes ces dépenses par la Sécurité sociale.
Mais ce n’est pas de cela dont il est question. Selon un accord entre deux syndicats de dentistes et l’assurance maladie, le « panier de soins » de base intégralement remboursé par la Sécurité sociale et les mutuelles garantirait la pose de prothèses dont l’esthétique et la qualité seraient satisfaisantes. Des accords du même type sont en cours de finalisation pour les prothèses auditives et les lunettes.
Dépérissement programmé de la Sécu
Il faut tout d’abord souligner que le « reste à charge zéro » ne concernera pas les 4 % de la population qui n’ont pas de mutuelle (en général pour des raisons financières !). Mais surtout, la principale question est celle du financement de ce dispositif. La mise à contribution très limitée de la Sécurité sociale n’a pour but que de faire accepter la mesure, et c’est bien le basculement vers un système de santé dominé par les assurances qui s’accélère.
Le désengagement de la Sécurité sociale, au nom de la lutte contre les « déficits », s’accompagne depuis plusieurs années d’une augmentation rapide de la part des complémentaires « mutuelles » ou assurances dans le financement des soins. Une étude de l’UFC-Que choisir a établi que, de 2006 à 2017, la cotisation moyenne à une complémentaire santé a augmenté de 47 %, c’est-à-dire 3 fois plus que l’inflation. Avec les nouvelles mesures annoncées le 13 juin, tout comme avec la mise en place d’un risque « dépendance » pour 2019, financé lui aussi largement par les complémentaires, c’est le dépérissement programmé de la Sécurité sociale, au profit d’un système assurantiel et de réseaux de soins privés qui connaît une brusque accélération.
La « bonne nouvelle » d’un « reste à charge zéro » pour certains modèles de base de lunettes et de prothèses dentaires et auditives ne saurait cacher le grand bond en arrière vers le dépérissement de la Sécurité sociale et la privatisation accélérée du système de santé
Jean-Claude Delavigne