Pendant que les médias se concentraient sur les gesticulations de la famille Le Pen, des millions de travailleurEs défilaient dans le monde à l’occasion du 1er Mai.
Il fallait certes sortir de l’hexagone pour percevoir l’écho d’une journée internationale qui soit autre chose que des défilés mélangeant tradition, nostalgie, morosité et mollesse.
En France... sans le soleilÀ Paris, c’est à l’appel de la CGT, de la FSU, de Solidaires et de l’UNSA qu’ont défilé quelques milliers de manifestantEs. Une grosse majorité de CGT, mais un dynamisme porté essentiellement par les cortèges internationaux. Les militantEs turcs et kurdes très nombreux comme chaque année, des délégations d’Amérique latine, du Sri Lanka, de Grèce, d’Espagne (avec une banderole de Podemos) qui confortent la vocation internationaliste du 1er Mai. Un cortège également dynamique pour les sans-papiers, avec une émotion perceptible dans le contexte de la mortelle répétition des noyades en Méditerranée. Et des points fixes animés : pour la réintégration de Yann et contre l’emprisonnement de Gaëtan. Comme celui du NPA !En région, si seule Marseille a bénéficié du soleil, cela n’a pas suffi à booster les manifestantEs, au nombre de 5 000, avec une délégation des femmes de ménage du ministère grec des Finances, des délégations de la SNCM, des Fralib et des mots d’ordre centrés sur les mobilisations contre les fermetures de sites et les licenciements.Et ailleurs, quelques centaines de courageuses et courageux, à Mulhouse, Nantes, Poitiers, Rouen, Ajaccio, Bastia, Bordeaux, Lyon, Grenoble, etc. Plus d’un millier à Strasbourg ou Toulouse qui se sont « mouillés » contre l’austérité, la politique de répression, notamment contre les immigrés et le mouvement social. Et pendant ce temps-là, la CFDT « déringardisait » le syndicalisme avec quelques centaines de jeunes rassemblés dans un Working Time Festival, près du bois de Vincennes...
De l’Europe anti-austérité...Mais dans un certain nombre d’autres pays, les manifestations ont été plus combatives. Au-delà des manifestations massives, mais plus ou moins « officielles », à Cuba, au Venezuela ou en Russie, les tensions sociales ont souvent provoqué des affrontements avec les forces de « l’ordre ». En Italie, la manifestation de Milan à l’occasion de l’ouverture de l’exposition universelle dénonçait les conditions d’exploitation des travailleurs de l’Expo, le gâchis de fonds publics et la corruption, et a été l’occasion d’affrontements avec la police. Au Portugal et en Espagne, des dizaines de milliers de manifestantEs contre l’austérité. En Grèce, 15 000 manifestantEs contre les exigences des « institutions » européennes, avec la participation du ministre des Finances Varoufakis. En Allemagne, plusieurs dizaines de milliers de manifestantEs et des affrontements avec les unités sociales de la police à Berlin.En Turquie, la police avait bouclé la ville la veille au soir, avec des mesures de sécurité visant à empêcher les manifestantEs de se rassembler sur la place Taksim. Et la police anti-émeute a utilisé canons à eau et gaz lacrymogènes pour disperser les manifestantEs qui tentaient de s’y rendre.À Tunis, plusieurs milliers de manifestantEs à l’appel de l’UGTT : contre le gouvernement et la baisse des salaires, le refus de la terreur islamiste et la défense des libertés syndicales. Au Caire, plusieurs milliers à l’appel de la Fédération syndicale indépendante égyptienne, reprenant le mot d’ordre de la révolution de 2011 : « Pain, liberté et justice sociale ».
… aux Amériques en lutteAu Mexique, au Chili, en Colombie, les manifestations de milliers de personnes contre la réforme du travail, la privatisation des systèmes éducatifs, la précarisation du travail, les bas salaires, ont donné lieu à de violents affrontements avec la police, avec plusieurs dizaines de blesséEs.De même aux États-Unis (Seattle, Portland, Denver, Austin, etc.), des affrontements ont eu lieu lors de manifestations autour de revendications salariales ou en lien avec la situation à Baltimore.Aux Philippines, plus de 10 000 personnes ont manifesté à Manille et ont brûlé une effigie du président Benigno Aquino III pour protester contre les bas salaires et contre une loi permettant aux employeurs d’engager des ouvriers pour moins de six mois. En Corée du Sud, lors de la manifestation contre le gouvernement, des affrontements ont éclaté lorsque 2 000 personnes, menées par des dizaines de membres de la famille des victimes du ferry Sewol (plus de 300 morts il y a un an) portant des gilets jaunes, ont tenté de forcer le passage à travers les barricades montées par la police anti-émeute.En Iran, les menaces et les arrestations de nombreux militantEs convoqués par les « services de sûreté » ont réussi à faire du 1er Mai une journée où le racisme d’État a déferlé dans les rues de la capitale, derrière des slogans dirigés contre les ouvriers afghans.Enfin, en Inde, plusieurs milliers de manifestantEs dans les rues d’Hyderabad, Calcutta ou Delhi.
Robert Pelletier