Mercredi 30 juin, avant l’aube, l’énième naufrage au large des côtes de Lampedusa (au sud de l’Italie) a coûté la vie à sept femmes dont une attendait un enfant. L’espoir est désormais perdu aussi pour les dix personnes disparues pendant les opérations de secours des garde-côtes. Selon l’ONG Sea-Watch, les autorités avaient connaissance des difficultés du navire car une personne à bord avait donné l’alarme le jour avant.
Samedi 3 juillet, on enregistrait 43 personnes disparues près de la côte de la Tunisie tandis que la mer restituait 14 cadavres provenant probablement d’un « naufrage invisible » qui ne laissera pas de traces dans les statistiques officielles. Juste avant ces dernières victimes, l’OIM (Organisation internationale pour les migrations) calculait 866 morts survenues en 2021 en Méditerranée.
La nouvelle ne surprend plus, n’émeut plus, n’éveille plus les consciences. Le scénario est en effet toujours le même : les migrantEs partent d’Afrique à bord d’embarcations précaires pour fuir la guerre ou la misère et se heurtent aux barrières naturelles ainsi qu’à la politique d’expulsion de l’Union européenne.
Depuis son approbation, la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier a été âprement critiquée. Véritable fuite en avant vers la barbarie, elle bafoue les droits à la protection des mineurEs isolés et criminalise les mouvements transfrontaliers et l’organisation de l’entraide. Aux conditions inhumaines des centres de détention libyens pour les migrantEs « irréguliers » s’ajoute la cruauté de la politique italienne de fermeture des ports. Approuvé par la Commission européenne et l’agence Frontex, le Code de conduite interdit l’intervention des ONG dans les côtes libyennes, entraînant la mort de milliers de personnes. Le cas de l’Aquarius est devenu en ce sens exemplaire : premier navire à avoir été bloqué par la politique de fermeture impulsée par Matteo Salvini, il avait permis, entre 2016 et 2018, le sauvetage de 29 523 vies humaines – d’après les chiffres de SOS Méditerranée.
Plutôt que d’orchestrer la solidarité et l’accueil en mutualisant les opérations de sauvetage et les débarquements en ports sûrs, l’Union européenne préfère autoriser les États membres à se déresponsabiliser et à externaliser la gestion des flux migratoires vers des États tiers nord-africains. Cette politique encourage l’invisibilisation des conflits et des rapports de forces qui sont à la base des mouvements des populations, et ouvre la voie à l’instrumentalisation politique du thème de l’immigration.
Combien de vies humaines sommes-nous encore disposéEs à sacrifier pour reproduire les injustices en gardant les peuples sous tutelle ?