Depuis le 13 mai, les employés de quatre unités de livraison Pizza Hut de Neuilly, Levallois, Ordener et Losserand à Paris, sont en grève chaque week-end pour obtenir le respect des conditions de travail, la prise en compte des revendications salariales et le paiement de la totalité des heures complémentaires effectuées depuis août 2009. Rien n’a réellement changé à Pizza Hut depuis les grèves historiques en mars 2001. La précarité est généralisée, le sous-effectif constant, et le non-respect du droit du travail est la règle.
Dernière minute : les grévistes ont pris la décision d'arrêter leur grève, mais se gardent la possibilité de la relancer s'il n'y a pas satisfaction de leur revendication du versement des heures complémentaires non payées.
Entretien avec Hichem Aktouche, 26 ans, délégué syndical SUD à Pizza Hut. Peux-tu revenir sur les raisons de cette lutte ?À l’origine du conflit, la suspension du contrat de travail d’un des salariés, Alaeddine. Il travaillait à Pizza Hut depuis 2003, mais était en situation irrégulière depuis novembre 2009. La direction le savait et fermait les yeux. Son contrat de travail a été brutalement rompu, alors qu’il allait bientôt être régularisé. À cela s’est ajouté le licenciement d’un manager qui refusait d’appliquer les méthodes de la direction. Nous nous sommes aussi rendu compte que, dans certains magasins, les heures complémentaires de certains salariés, majoritairement à temps partiel, n’étaient pas prises en compte sur leur fiche de paie. Cela a pu entraîner une perte de salaire jusqu’à cent euros par mois. Cela remonte à août 2009, quand l’enseigne Pizza Hut a été reprise par Top Brands, les propriétaires belges. Nous avons demandé à consulter les registres de présence des salariés du magasin de Neuilly, afin de confirmer le non-paiement des heures complémentaires. Il nous a été répondu que les registres étaient au domicile personnel du gérant, ce qui est illégal, et qu’il faudrait attendre pour y accéder. La direction du groupe essaye de temporiser en ne rendant pas publics les documents. Sans ces documents, nous ne pouvions saisir les prud’hommes pour obtenir le paiement de nos heures. Comment se déroule la grève ?Le 13 mai, la grève est partie aux magasins de Neuilly et Levallois, pour soutenir le manager de Neuilly et Alaeddine, ainsi que pour la prise en charge des accidents du travail, une prime de risque, un treizième mois et la mise en place de la subrogation par l’employeur des indemnités en cas d’arrêt maladie ou d’accidents de travail. La grève n’a lieu que le week-end, car les salariés n’ont pas les moyens financiers d’une grève reconductible sans interruption. Le deuxième week-end, la grève s’est étendue au magasin de Saint-Ouen. Nous avions prévu d’intervenir sur le magasin de Losserand à Paris et ça s’est su. Deux heures avant notre arrivée, le directeur de Pizza Hut France s’est rendu sur place et a menacé illégalement les salariés de sanctions s’ils rejoignaient les grévistes. Deux employés nous ont quand même rejoints. Le mardi suivant, ils recevaient une lettre de licenciement, pour des absences et retards bien antérieurs. Du fait de cette répression, beaucoup de salariés ont cessé la grève. Mais si la direction n’hésite pas à rentrer dans l’illégalité en licenciant les grévistes les plus déterminés, nous avons ensuite gagné la plupart des procès aux prudhommes. Erwan Chiquito, un des meneurs de la grève du magasin de la rue de Provence, de décembre 2008 à février 2009, a récemment été réintégré, avec salaire rétroactif et dommages et intérêts après son licenciement abusif et le groupe a été contraint de lui verser une somme supplémentaire conséquente pour qu’il renonce à revenir dans l’entreprise. La bataille a duré un an et demi mais a été victorieuse. À partir du quatrième week-end de grève, nous avons décidé d’intervenir sur des gros magasins le samedi et des plus petits le dimanche soir, afin de convaincre les clients du bien-fondé de notre lutte, en espérant les voir consommer ailleurs. Cela permet de faire fortement baisser le chiffre d’affaires de la soirée. C’est la seule chose qui peut toucher la direction. Quelles sont vos perspectives ?La grève se poursuit chaque week-end, et nous intervenons devant les magasins pour informer les clients et faire baisser le chiffre d’affaires. Nous avons vraiment besoin de soutien extérieur, pour nous motiver à continuer1 ! Le réseau Stop Précarité est très présent à nos côtés depuis le début. Il y a aussi des militants des organisations syndicales et politiques qui viennent nous aider. Je suis intervenu au nom des grévistes à l’Assemblée des Indignés à Paris, il y avait un bon accueil et une caisse de soutien à la grève a circulé. Nous donnons rendez-vous le 11 juillet au tribunal des prudhommes de Paris2, pour soutenir les deux salariés du magasin de Losserand licenciés. Les luttes des dernières années nous ont montré que c’est possible de gagner face à la direction. Il faut être le plus nombreux possible pour les soutenir ! 1. RDV samedi 9 juillet à partir de 19 heures devant l’unité de Saint-Ouen, 16 bis, avenue Gabriel-Péri (M° Mairie-de-Saint-Ouen) et dimanche 10 juillet à la même heure devant l’unité d’Ordener, 101, rue Ordener (M° Jules-Joffrin). 2. lundi 11 juillet à 12 heures, 27, rue Louis-Blanc, (M° Louis-Blanc).Propos recueillis par Pauline Idalgo et Romain Bleibtreu