Une chose est sûre : les dirigeants de Ford n’ont pas du tout apprécié l’invasion et la redécoration de leur stand à coups d’autocollants et de confettis, au Mondial de l’auto le samedi 29 septembre. Pas digéré non plus puisque, dix jours après, la direction envoyait un courrier aux trois syndicats organisateurs et un autre à cinq délégués syndicaux les sanctionnant d’un avertissement. Des lettres lourdes de menaces, dénonçant une action « pas acceptable dans un pays démocratique », un « trouble manifeste à l’image de Ford », un « saccage » d’un « outil de promotion des produits de la marque », une « action contraire aux intérêts économiques et sociaux de Ford en France ». Les cinq délégués sont sanctionnés car « nous considérons que vous n’avez pas respecté votre obligation de loyauté découlant de votre contrat de travail et que vous avez dénigré l’image de notre société ».
Nous avons appris par le journal Sud Ouest que les deux députés girondins du PS venus avec nous sur le stand Ford ont eux aussi reçu un courrier de Ford leur reprochant d’avoir cautionné le « saccage ». Ford ne supporte pas la contestation. Depuis des mois, le discours officiel est que l’usine sera sauvegardé, que 1 000 emplois seront préservés (nous sommes 1 100 aujourd’hui, 2 500 il y a dix ans !) avec notamment la fabrication d’une nouvelle boîte de vitesse. Mais les activités qui se mettent en place pour 2012-2013, même si l’usine est en chantier, sont loin de pouvoir accueillir l’ensemble des salariés.
Ford revient après s’être débarrassée de son usine parce qu’il y a eu une mobilisation ininterrompue des salariés depuis 2007. Impossible aujourd’hui de faire confiance à une multinationale qui a baratiné les salariés et les pouvoirs publics pendant des années. Les discours ne peuvent pas suffire. Il n’y a pas de secret. Pour pérenniser le site, Ford doit investir, apporter un gros projet supplémentaire, remettre le logo Ford, signifiant que l’usine de Blanquefort est réintégrée réellement dans son giron. Signifiant surtout que Ford a vraiment abandonné sa stratégie d’abandon du site, ce qui est loin d’être acquis aujourd’hui.
C’est pour cela que nous avons manifesté au Mondial de l’auto, que nous essayons de maintenir la pression, d’agir pour faire bouger les choses tant qu’il en est encore temps. C’est pour cela que nous sollicitons aussi les pouvoirs publics et les élus locaux. Ford qui a fait 20 milliards de profits en 2011 reçoit injustement des aides publiques et poursuit une politique antisociale : plan de départs volontaires en 2011 (300), pressions sur les collègues sous réserves médicales (« l’entreprise n’est pas un hôpital, il n’y aura pas de solution de reclassement pour tout le monde »).
Nous ne sommes pas dans une situation d’urgence comparable à celle de nos camarades de PSA, Arcelor, Fralib ou même GM Strasbourg. Il est d’autant plus difficile de mobiliser car comme partout, c’est
un sentiment d’impuissance qui domine devant le rouleau compresseur de la crise. On le voit bien, partout des usines ferment, sont liquidées, des plans de licenciements se succèdent. Comment y faire face, quelles perspectives avons-nous réellement ?
Nous avons la conviction que chacun dans son usine, on perdra. Il faut créer des liens entre salariés, il faut coordonner, faire converger nos résistances. Oui, mais comment faire car malheureusement les structures syndicales n’aident pas pour cela. Notre manifestation du 29 avec le « train de l’emploi », comprenant des salariés girondins de plusieurs entreprises y compris du public, la journée du 9 octobre avec des salariés de PSA, Renault, Sanofi, Fralib, 3 Suisses, Goodyear, GM et beaucoup d’autres encore, ont été autant d’occasions de se retrouver et de construire le « tous ensemble ».
L’heure est bien à prendre des initiatives communes, à lancer des appels, pour se rencontrer. Les équipes militantes qui le souhaitent existent mais il faut juste que nous apprenions à le faire… Vite.
Correspondant