La médecine du travail victime collatérale de la réforme des retraites ou comment Éric Woerth tue son père (médecin du travail) pour oublier la mère Bettencourt.La médecine du travail est aujourd’hui, sans débat démocratique et par un amendement clandestin et bancal, transformée en service de santé au travail (SST), médecine d’entreprise au service exclusif du patronat. Elle est accompagnée dans son agonie par une remise en cause indirecte du principe de présomption selon lequel les accidents du travail et les maladies professionnelles (AT-MP) étaient imputables à l’employeur. Pour bénéficier d’un départ à la retraite anticipé, ceux qui ont exercé des métiers pénibles devront apporter la preuve de leur exposition aux risques professionnels alors que celle-ci était automatique dès lors que la pathologie était inscrite dans le tableau officiel des maladies professionnelles. Tentative insidieuse de remise en cause du droit de la Sécurité sociale sur la réparation des AT-MP ? Le service de santé au travail revient sur la mission de la médecine du travail qui était de prévenir les altérations de la santé du fait du travail. Une partie des ressources sera utilisée pour permettre aux employeurs de répondre à leur obligation de résultat en matière de prévention. Il y a un détournement d’objet et de but de la médecine du travail. On passe de la prévention à la gestion des risques pour l’employeur. La question est posée de l’indépendance du médecin du travail qui, bien qu’utilisée parcimonieusement, a freiné pendant 50 ans toutes les tentatives de mise au pas d’une profession. Le directeur d’un SST pourra subordonner l’action spécifique du médecin du travail à la contrainte économique des entreprises1. L’exercice du médecin du travail est maintenant isolé dans un service, sa responsabilité est diluée et subordonnée tout comme son indépendance. Les médecins vont ainsi être soumis à des obligations contradictoires : celle de résultat des SST (qui s’empresseront de les transférer aux médecins) sur des objectifs de gestion du risque au service des employeurs et celle de moyen des médecins du travail en matière de prévention médicale. Pourquoi ce projet de destruction de la spécificité exclusivement préventive de la médecine du travail ?Parce que le patronat pense qu’il faut faire disparaître un témoin médical gênant et le remplacer par une médecine à la botte exclusive du patronat. La médecine du travail qui devait voir son cadre clarifié (aptitude, gouvernance, indépendance de chaque professionnel, responsabilité), se dissout sans bruit dans la raison économique. La prise en charge médicale de la santé des travailleurs n’est plus sa priorité. C’est à ce prix, c’est à ce coût, que pourra enfin se réaliser l’un des rêves les plus fous de Parisot : ne plus voir des salariés en bonne santé jouir d’une retraite, à ses yeux, imméritée, mais n’accorder cette dernière qu’à des travailleurs usés jusqu’à la corde. Hervé Fonds1. Articles L.4622-1-2 et L.4624-2 nouveaux du code du travail
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