Depuis le 16 juillet 2024, Attal et tout son gouvernement ont démissionné, censés gérer les affaires courantes. Un gouvernement, même démissionnaire, est aux « affaires » alors que bien sûr rien n’est figé dans le cours habituel de la vie sociale, de la lutte des classes pour être plus précis.
Le patronat ne s’est pas mis en stand by, n’a pas appuyé sur la touche « pause » ou « affaires courantes », car les exigences de profit ne connaissent pas les calendriers électoraux. Les fermetures d’usines non seulement continuent, mais en plus à un rythme supérieur à celui des années précédentes.
Un nombre de fermetures d’usines inégalé depuis cinq ans
Les données globales sont sans appel. Les mois qui viennent de s’écouler sont les pires en termes de suppressions d’emploi et de fermetures d’entreprises depuis dix ans. Les augmentations de défaillances d’entreprise, c’est-à-dire soumises à des mesures ouvrant à la mise en œuvre de plans sociaux, de redressement ou de liquidation judiciaire pure et simple sont en augmentation de 21 % par rapport à 2019, la dernière année avant covid. L’observatoire du groupe bancaire Caisse d’Épargne BPCE évalue à 200 000 le nombre d’emplois menacés en 2024 par les seules fermetures d’entreprise.
Il n’y a pas aujourd’hui d’entreprises, même moyennes, autour desquelles il y aurait une résonance nationale des résistances appelant à une coordination des soutiens. Il n’y a pas l’équivalent de la lutte des ouvriers de l’usine GMS de La Souterraine qui avaient menacé de « faire péter l’usine », au tout début du premier quinquennat de Macron entraînant la venue sur place du ministre Bruno Le Maire que l’on supporte depuis sept ans. Oui, c’est pourquoi en matière de fermetures d’usines et de suppressions d’emplois, on peut parler d’un véritable massacre à bas bruit qui s’opère dans toutes branches et dans toutes les régions.
Des usines de cette taille menacées aujourd’hui de fermetures il y en a des dizaines selon le décompte du journal l’Usine nouvelle, peu suspect de sympathie pour les salariéEs. La branche automobile est toujours en première ligne des restructurations industrielles, mais bien d’autres branches sont touchées.
Parmi les usines fermées
Parmi les usines fermées, celle de la branche alimentaire Saupiquet de Quimper, dédiée à la production de conserves à base de maquereaux et de sardines. Le groupe italien propriétaire, Bolton Food, a annoncé dans le courant du mois de juin la fermeture de l’usine pour délocaliser les activités en Espagne et au Maroc. L’emploi de 155 salariéEs est menacé, et les débouchés de l’activité de pêche mis en cause. Même issue pour l’usine de fabrication de chocolat Poulain située à Blois. À la manœuvre, le groupe agro-alimentaire Carambar and co qui a annoncé au mois de juin la fermeture de cette usine historique pour la ville. Dans le contexte d’un plan de réorganisation préparé par les bureaux centraux d’un groupe, une usine est rayée de la carte, et l’emploi de 109 salariés est supprimé.
Dans cette liste d’entreprises, toutes frappées ces deux derniers mois, il y a aussi celles qui passent de repreneurs en repreneurs, empochant chacun des subventions publiques pour se retrouver successivement devant un tribunal de commerce. C’est le cas de l’entreprise de fabrication de chariots de supermarchés Caddie, qui a connu quatre procédures de redressement judiciaire depuis 2012. Ce sont 101 salariés qui sont aujourd’hui sans emploi après la liquidation judiciaire décidée le 17 juillet par le tribunal de commerce de Saverne, lequel est à appliquer dans un délai de sept jours ! Le 23 juillet !
L’industrie automobile toujours en première ligne
L’industrie automobile n’en a pas fini avec les restructurations qui la frappent depuis des années. Au mois de mai 2024, la dernière usine de fabrication automobile du département de Seine-Saint-Denis, l’équipementier MA, sous-traitant de Stellantis et notamment son usine de Poissy, a été mis en liquidation judiciaire. La grève et l’occupation de cette usine pendant plusieurs semaines n’ont pas empêché la suppression de 400 emplois, 280 en CDI et 120 contrats intérimaires.
Cet été, c’est au tour de deux des grands groupes équipementiers automobiles mondiaux installés en France d’annoncer des fermetures d’usines. Valéo veut se séparer de trois de ses sites : les usines de L’Isle-d’Abeau en Isère et de La Suze dans la Sarthe, ainsi que du centre de recherches de La Verrière dans les Yvelines. Mille emplois sont menacés. Bosch au cours de ce même mois de juillet a annoncé son intention de fermer d’ici à fin 2024 l’usine de Marignier en Haute-Savoie avec 150 salariéEs, et à l’horizon 2026 celle de Mondeville dans le Calvados avec 413 salariéEs.
Le fiasco de la réindustrialisation
La réindustrialisation promise par Macron n’est qu’un leurre. L’exemple qu’il avait choisi pour vanter sa politique était celui de la construction de « giga-usines » de batterie, gigas par le nombre d’octets pas pour le nombre d’emplois prévus. Il concentre toutes les malfaisances et impasses de cette économie capitaliste toujours à la recherche de profits. Pour trouver de nouveaux débouchés à une industrie automobile atteinte par les conséquences de la crise climatique, la voiture électrique est promue par toutes les autorités européennes à coup notamment d’incitations aux entreprises pour installer ces nouvelles usines de batterie. Attirés par ces subventions, dont le montant est motif à une concurrence acharnée entre États capitalistes, c’est une véritable ruée des spéculateurs et des investisseurs. Et dans le même temps les voitures électriques, toujours très chères à l’achat, se vendent moins que prévu. D’où classiquement en économie capitaliste une surproduction qui pointe déjà malgré les suppressions emploi qui se multiplient.
Il n’y a pas de pause dans la mise en œuvre des politiques néolibérales mises en œuvre par Macron et les gouvernements précédents. C’est ce que prouve cette énumération des usines fermées et emplois supprimés. SalariéEs et populations qui en subissent les conséquences désastreuses n’ont pas le temps d’attendre. Calendrier politique et urgence sociale doivent se combiner pour en finir au plus vite avec les affaires courantes de Macron et Attal.
Jean-Claude Vessillier