L’épidémie de Covid-19 est un accélérateur de tendances : la crise menaçait avant son apparition, la pandémie l’a précipitée.
Depuis la crise de 2008-2009, nous étions plongés dans une longue dépression, c’est-à-dire une période de faible croissance où les conditions d’une véritable reprise de l’accumulation n’étaient pas réunies : il aurait fallu pour cela une dévalorisation massive du capital excédentaire. Elle n’a pas eu lieu, mais les gouvernements de Sarkozy, Hollande et Macron ont tous cherché à restaurer le taux de profit en flexibilisant encore davantage le marché du travail et en multipliant les cadeaux au patronat (le plus important étant le CICE désormais transformé en baisse massive de cotisations sociales). Mais cela n’a pas suffi : depuis la fin de l’année dernière, l’économie ralentissait et une nouvelle crise menaçait d’éclater fin 2020 ou 2021. Le Covid n’a donc fait que précipiter et amplifier l’entrée en crise.
Les plans sociaux : la partie émergée de l’iceberg
Il y a toujours un décalage temporel entre l’entrée en crise et les suppressions d’emplois, notamment les plans de licenciements collectifs. Néanmoins, les suppressions d’emplois sont déjà massives malgré les dispositifs de chômage technique qui ont coûté un « pognon de dingue » aux contribuables. Elles prennent avant tout la forme du non-renouvellement de CDD, du moindre recours à l’intérim, et du non-remplacement des départs à la retraite. Elles sont donc moins « visibles » et médiatisées que les plans de sauvegarde de l’emploi (PSE), mais elles se chiffrent déjà en centaines de milliers. L’INSEE estimait avant le reconfinement qu’il y aurait 840 000 emplois supprimés cette année. C’était une prévision optimiste qui est d’ores et déjà caduque : il y aura probablement plus d’un million de suppressions d’emplois cette année.
Les plans sociaux (licenciements économiques de plus de 10 salariéEs dans les entreprises de plus de 50 salariéEs) prennent de l’ampleur même s’ils ne représentent pour l’heure qu’environ 10 % des suppressions d’emplois. Sur la période allant de début mars à la troisième semaine d’octobre 2020, 567 PSE ont été initiés concernant 2 500 établissements en France. Ces procédures concernent environ 62 100 ruptures de contrats de travail, soit plus du double de ce qui avait été envisagé sur la même période en 2019.
Ces ruptures de contrats associées à un PSE sont plus nombreuses parmi les entreprises les plus grandes, c’est-à-dire celles de 1 000 salariéEs ou plus. En effet, depuis le 1er mars 2020, un peu moins d’une rupture envisagée sur deux (44 %) concerne les grandes entreprises alors que celles-ci ne représentent qu’un peu plus d’un PSE sur dix initiés (12 %).
Les deux secteurs qui prévoient le plus de ruptures de contrats de travail sur la période sont l’industrie manufacturière (41 % des ruptures envisagées), et le commerce et la réparation automobile (23 %). Viennent ensuite les secteurs des activités spécialisées, scientifiques et techniques (9 %), du transport et entreposage (6 %), de l’hébergement et de la restauration (6 %) et celui des activités de services administratifs et de soutien (5 %).
La plupart des grands plans sociaux sont devant nous. Ils sont retardés, notamment avec le recours massif au chômage technique, à coups de milliards versés au patronat sans contrepartie en termes d’emplois. Les pertes de l’économie capitaliste sont socialisées de façon honteuse : si le patronat ne peut plus faire fonctionner ses entreprises sans être abreuvé d’argent public, il doit être exproprié et les entreprises doivent être nationalisées, sous contrôle des travailleurEs, afin de garantir le maintien des emplois et de satisfaire les besoins sociaux.