Une simulation effectuée par le Conseil d’orientation des retraites (COR) illustre l’impact de l’accord signé en octobre 2015 par le patronat et par trois syndicats (CFDT, CFE-CGC, CFTC) pour prétendument redresser les comptes des régimes de pensions complémentaires des salariéEs cadres et non cadres du privé (Agirc-Arrco).
Cette simulation met en évidence qu’unE cadre né en 1959, voulant partir à la retraite dès qu’il a cotisé suffisamment longtemps au régime de base, perdra ainsi environ 14,5 % de sa pension complémentaire. Cette perte s’accentuera au fil des générations pour atteindre plus de 17 % pour un cadre né en 1990. Les salariéEs non cadres y laisseront un peu plus, soit près de 18 % pour la génération 1990.
L’équilibre au détriment des salariéEs
Pour les salariéEs, l’enjeu est loin d’être négligeable. L’Agirc compte aujourd’hui pour 57 % dans la pension d’un cadre et l’Arrco pour 31 % dans celle d’un salariéE non cadre. Comme l’ensemble de la protection sociale, les deux dispositifs sont dans le rouge depuis plusieurs années en raison de la croissance du chômage et des multiples exonérations de cotisations sociales accordées par les différents gouvernements. En 2014, le « déficit » de l’Agirc atteignait 1,98 milliard d’euros et celui de l’Arrco 1,15 milliard. Les réserves accumulées par les deux régimes ont depuis été mises à contribution afin de combler les trous.
Afin de dégager 6,1 milliards d’euros d’économies pour les régimes Agirc-Arrco, la recherche de l’équilibre a donc consisté à faire supporter par les retraitéEs et futurs retraitéEs l’essentiel des mesures d’économies.
En effet, d’un côté, si le patronat avait consenti à quelque 700 millions d’euros d’augmentation des cotisations sociales, c’est après avoir obtenu l’engagement du gouvernement de compenser cette hausse par une baisse des cotisations à la branche accidents du travail maladies professionnelles (AT-MP) de la Sécurité sociale.
Côté salariéEs, les modalités de revalorisation de la pension des retraitéEs, décalée désormais au 1er novembre, ont été revues à la baisse avec une sous-indexation d’un point par rapport à l’inflation. Le rendement des cotisations est abaissé à 6 % et une extension de l’application de la cotisation AGFF.
Toujours plus longtemps ?
Mais la mesure la plus pénalisante consiste en l’instauration d’un bonus-malus qui vise à encourager les salariéEs à travailler plus longtemps. À partir de 2019, un salariéE remplissant les conditions pour toucher sa retraite de base à taux plein (âgé de 62 ans et ayant cotisé 41,5 ans pour celles et ceux par exemple nés en 1957) aura plusieurs options : soit il cessera sa carrière, et sa pension complémentaire sera diminuée de 10 % pendant trois ans ; soit il travaillera un an de plus, auquel cas la décote ne s’appliquera pas. S’il reste en activité un an, le malus ne s’appliquera pas, et s’il reste un, deux ou trois ans après 63 ans, il aura même droit à un bonus de 10, 20 ou 30 %.
Au total, le rapport entre le dernier salaire et la première pension d’un salarié non cadre serait susceptible de passer en dessous du seuil des deux tiers entre les générations 1965 et 1970. C’est ce que les signataires CFDT-CGC-CFTC appellent sauver les retraites complémentaires...
Robert Pelletier