Le rapport publié le 27 mai dernier par le Conseil d’orientation des retraites sonne l’alarme sur le déficit des régimes de retraite. Pourtant, il repose sur des hypothèses contestables et néglige complètement les perspectives de dégradation de la situation des retraitéEs.
Le Conseil d’orientation des retraites (COR), organisme supposé être indépendant, avait publié il y a un an un rapport disant qu’il n’y avait pas de problème aigu de déséquilibre du système de retraite. On pouvait en tirer la conclusion qu’il n’était pas nécessaire de serrer encore la vis aux retraitéEs et futurs retraitéEs. Ce qui ne veut pas dire que par, rapport à ce qui serait nécessaire, le système de retraite est satisfaisant après les réformes de ces dernières années, réformes qui ont reporté l’âge de départ et dégradent de plus en plus le niveau de vie des retraitéEs.
Mais, avec ce nouveau rapport publié le 20 juin, nouveau discours : le déficit est désormais supposé s’accroître et un nouveau report de l’âge de la retraite semble à l’ordre du jour. Pourtant, dans la brochure-programme diffusée à des millions d’exemplaires par les macronistes avant les présidentielles, on trouvait page 13 cette promesse : « Nous ne toucherons pas à l’âge de départ à la retraite, ni au niveau des pensions »...
Des économistes qui ne sont pas à la botte du pouvoir (sans être d’extrême gauche) ont immédiatement dénoncé une opération politique car les hypothèses de la nouvelle prévision ne sont pas très sérieuses. Guillaume Duval de la revue Alternatives économiques souligne ainsi : « C’est un changement qui est étonnant, compte tenu du fait que les hypothèses n’ont pas eu de raison de changer particulièrement. On peut donc avoir des interrogations sur la signification politique de cet affichage sensiblement différent d’une année sur l’autre. » Guillaume Duval donne notamment un exemple d’hypothèse hautement contestable, l’allongement de l’espérance de vie : « Le COR fait l’hypothèse que l’espérance de vie à 60 ans en 2060 sera plus importante qu’elle ne l’était l’an dernier. C’est une variation qui est surprenante, on avait plutôt le sentiment qu’on était arrivé à un palier côté espérance de vie, et on avait plutôt la crainte qu’elle ne s’inverse ». Le COR écarte l’hypothèse de stagnation ou réduction de l’espérance de vie en disant que les données les plus récentes sont incertaines.
Un rapport tout à fait politique...
Guillaume Duval souligne que si un déficit supplémentaire apparaît, ce n’est pas parce qu’il y a plus de dépenses mais parce que le COR a intégré dans ses prévisions « l’objectif politique d’abaisser rapidement et fortement la part des recettes du système de retraites dans le PIB ». Le COR reprend ainsi un objectif qui lui est donné par le gouvernement. Si l’on pense au contraire qu’il n’y a aucune raison d’abaisser les ressources du système de retraites (et donc de réduire les cotisations), il n’y a pas de dégradation de l’équilibre des retraites dans le futur. Le vrai problème, c’est qu’avec ces règles déjà fixées pour le futur, le niveau de vie des retraitéEs sera beaucoup abaissé par rapport à aujourd’hui, ce qui veut dire une hausse du taux de pauvreté chez les anciens travailleurEs.
Alors pourquoi ces annonces du COR ? Interrogé il y a quelques jours par le journal la Dépêche, Guillaume Duval a sa réponse : « Je pense qu’il y a une pression politique d’une partie des partenaires sociaux, relayée par le COR, pour amener Emmanuel Macron à en remettre une louche sur l’allongement de la durée de vie au travail, baisser les taux de remplacement et des pensions, etc. ». Une « partie des partenaires sociaux » ? Il vaudrait mieux dire clairement le patronat. Et on peut prévoir que celui-ci saura se faire entendre.
Alors qu’une bonne partie des retraitéEs vont déjà souffrir de la hausse de la CSG déjà programmée (voir article en page 8), c’est déjà l’enfumage avant le coup de barre...
Henri Wilno