L'approche de Noël rappelle la réalité précaire pour la majorité de la population. Ainsi, de nombreuses luttes et grèves sur les salaires se déclenchent dans le pays.
À la veille de Noël, les rues des centres-villes sont illuminées, les guirlandes des pavillons de banlieue scintillent, les magasins débordent de jouets, victuailles et autres tentations multiples. Mais beaucoup de porte-monnaie sont vides. Alors, curieusement, en cette veille de trêve festive,de nombreux conflits éclatent : après les chauffeurs routiers, les conducteurs du métro, les employés des péages d’autoroutes, les approvisionneurs des distributeurs de billets,les salariés de Sanofi Aventis, de Chanel, de Rhodia à Chalampé, et de bien d’autres entreprises, entrent en lutte. Le climat social se...réchaufferait-il malgré le sommet de Copenhague?
Il faut dire qu’au moment où les bénéfices des entreprises du CAC 40 restent plus que confortables, avec 21 milliards d'euros au premier semestre, tout le monde ne se sent pas logé à la même enseigne.
Donc de l’argent il y en a, mais les inégalités sont de plus en plus flagrantes: 10% des plus démunis ne perçoivent que 3,7% de la masse totale des revenus, et les 10% les mieux lotis en reçoivent un quart. Le revenu annuel des 10% les plus modestes s’est élevé de 1 360 euros entre 1997 et 2007, celui des 5% les plus riches de 4 900 euros. Les bonus versés aux actionnaires et aux traders sont tellement insultants pour le plus grand nombre que les gouvernements britanniques et français envisagent de les taxer.
Ce ne sera pas très douloureux: cette taxation ne concernera que les bonus de plus de 27 500 euros (!) et remplacera en fait le prélèvement précédemment prévu par la loi de finance ordinaire. Cela devrait rapporter entre 200 et 300 millions d'euros, soit à peine plus que la fiscalisation des indemnités versées aux accidentés du travail: 150 millions pris à ces victimes de la volonté de stigmatisation du gouvernement. Rien au regard de la défiscalisation des heures supplémentaires qui coûte quatre milliards ou des niches fiscales qui représentent 70 milliards d’euros d’exonérations. Sur les onze milliards d’euros par an de réduction d’impôt décidés par le gouvernement, 70% profitent aux 20% des foyers les plus aisés.
Ceci justifie pleinement de ne pas être timides dans nos revendications salariales. Quand nous revendiquons 1500 euros net minimum pour tous les salaires et revenus, c’est parce que cela constitue le minimum pour vivre correctement aujourd’hui. Vivre, cela signifie non seulement boire et manger mais aussi se loger, se déplacer, avoir les moyens d’élever des enfants, de se distraire, de se cultiver, de partir en vacances et de faire la fête. Nous ne voulons pas une vie au rabais pour la majorité d’entre nous pendant que les plus riches ont tous les droits et moyens. Et nous ne trouvons rien à redire aux conducteurs du RER qui touchent 2600 euros en fin de carrière et se battent pour de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail.
Nous pensons que les salaires de la grande majorité des travailleurs sont bien trop bas. Cela fait plusieurs années que des luttes sont engagées pour obtenir une augmentation de 300 euros net pour tous. Ceci est de moins en moins utopique, de plus en plus nécessaire. Nous nous battons pour des revendications uniformes, non pour écraser la hiérarchie des rémunérations, mais parce que nous favorisons ainsi les bas salaires sans élargir toujours davantage la grille des salaires. Il est d’ailleurs dommage que le récent congrès de la CGT ne se soit pas prononcé pour des augmentations précisément chiffrées.
La bataille pour l’augmentation des salaires (300 euros nets), pour des revenus permettant de vivre correctement, c’est la base de notre combat contre le patronat. La crise est le dernier prétexte pour justifier le blocage des revenus. Nous n’avons pas à payer leur crise. Ils ne nous invitent pas à partager leurs bénéfices, leurs profits, leur gâteau en temps de prospérité; ils ne nous laissent que les miettes. Et pourtant, toutes les richesses produites, c’est bien nous qui les produisons.
Robert Pelletier