D’énormes profits, des suppressions d’emplois et pas d’augmentation. Les salariés de Sanofi Avantis se révoltent et plusieurs sites ont été bloqués. Avec neuf milliards d’euros, les bénéfices du groupe pharmaceutique, producteur de vaccins contre la grippe H1N1, ont pulvérisé les records en 2009. La brutalité de la direction est aussi sans précédent : une augmentation générale des salaires limitée à 1,2 % et une restructuration qui pourrait remettre en cause jusqu’à 3 000 emplois. À cette annonce, la colère est montée très rapidement car les salariés de ce secteur s’étaient sentis jusqu’à maintenant relativement épargnés. Deux sites de Sanofi Pasteur (division vaccins) se sont mis en grève fin décembre. Début janvier, le mouvement est reconduit avec une vigueur exceptionnelle. Les principales revendications sont de 150 euros minimum et 3 % d’augmentation générale, ce qui est fort modeste alors que les profits de Sanofi représentent 90 000 euros par salarié. À Marcy-l’Étoile, le plus gros site industriel de l’agglomération lyonnaise avec 3 500 salariés, les 800 à 1 000 grévistes ont été très combatifs : présence importante par rotation sur les cinq piquets de grève, y compris la nuit et le week-end malgré le grand froid, barricades de neige pour bloquer les véhicules, construction de cahutes chauffées. Les assemblées générales quotidiennes ont regroupé de 600 à 1 000 personnes. De nombreux enseignements peuvent être tirés de cette nouvelle jeune classe ouvrière. Même s’il y a très peu de syndiqués et de traditions de luttes, il existe une forte disponibilité pour une action radicale qui, peut-être, fait écho aux immenses manifestations du début 2009. Un indice sur la combativité possible dans le pays ? Sur le site de Val-de-Reuil (Eure, 1 600 salariés), la mobilisation et les formes de blocage étaient comparables à celles de Marcy-l’Étoile. Mais dans l’ensemble du groupe, la mobilisation a été inégale. L’appel à la grève avec manifestation, jeudi 14 janvier à Paris, aurait pu être un outil d’extension. Il a réuni 800 manifestants, des actions dans 27 sites et 3 000 grévistes. Malheureusement cette initiative arrivait fort tard, après trois semaines de grève des deux sites les plus mobilisés. Vendredi, la reprise du travail a été votée à Marcy-l’Étoile. La direction a joué l’épreuve de force et n’a pratiquement rien cédé : quelques embauches d’intérimaires, une relative limitation du recours à l’intérim, un tiers des jours de grève payés. Face à l’indigence ou même à la trahison ouverte de certaines directions syndicales – l’exemple le plus caricatural étant la CFDT qui négociait les conditions de la reprise du travail à Lyon pendant la manif à Paris –, une question est posée parmi les travailleurs : comment se donner sa propre représentation en tant que grévistes (comité de grève ?), comment construire un outil pour populariser et élargir la lutte sans être subordonnés au bon vouloir d’organisations syndicales qui ne veulent pas de la mobilisation ? Gérard Vaysse
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