Sous la houlette de l'Elysée, des économistes se mobilisent pour porter un coup à la légitimité du salaire.
Tour à tour, en quelques semaines, trois rapports d’experts se concluent par une mise en garde contre toute hausse générale des salaires et, en premier lieu, contre une hausse du Smic, le 1er juillet prochain. Celle-ci ne bénéficierait d’aucun coup de pouce et se limiterait à suivre l’obligation légale : 1,4% tout au plus. De plus, l’inflation annuelle serait en baisse de 0,3%, situation jamais vue depuis 1957. Mais qui s’en est aperçu dans les magasins ?
Le dernier de ces oracles est le « groupe d’experts » mis en place pour donner un avis sur le bon niveau du Smic, même si la législation reste pour le moment inchangée (le gouvernement peut donc passer outre). Ce rapport est sans doute le plus réactionnaire de tous. Le Smic serait ainsi « le plus élevé au sein des pays de l’OCDE ». Et, évidemment, les conséquences sur l’emploi de ces hausses faramineuses sont déclarées « incontestablement défavorables », avec un coût du travail au niveau du Smic exorbitant, qui « évince » les travailleurs « les plus fragiles ». En conséquence, le Smic serait devenu l’ennemi de la « lutte efficace contre la pauvreté ». Pour faire face à celle-ci, il faudrait miser sur le revenu de solidarité active (RSA). Ne plus parler de hausse des salaires, et donc de salariat convenablement payé, tel est le leitmotiv. En revanche, les « pauvres », en ces temps de crise, ont le droit de bénéficier d’un (pauvre) « revenu », allocation publique aux frais de la collectivité. Tout cela au nom de l’emploi, bien sûr.
Avant la leçon sur le bon niveau du Smic, on a déjà eu droit aux conclusions du rapport Cotis (directeur de l’Insee), expliquant que le niveau des salaires dans la richesse est stable depuis vingt ans. Donc il n’y aurait pas de problème salarial global, même s’il pointe quand même l’envolée des dividendes. Le clou a encore été enfoncé par le Conseil d’analyse économique (CAE), qui aboutit à peu près aux mêmes conclusions. Y compris sur la nécessité de se préoccuper des « pauvres », par le RSA et non par les salaires.
Le groupe d’experts a été conçu pour « dépolitiser » la question du Smic, seule question salariale dont le niveau dépend en effet, outre les augmentations légales, du bon vouloir gouvernemental (les « coups de pouce », dont le dernier remonte à 2006). Une incursion politique dans le rapport salarial que le patronat rêve de détruire. Grâce à Sarkozy, qui aime passer pour activiste politique, il est en train d’y parvenir.
Mais le Smic lui-même (1000 euros net pour 35 heures), tant décrié, est en train de devenir, non pas le salaire plancher d’une personne sans qualification, et dont la progression devrait entraîner celle de toute l’échelle des salaires, mais une sorte de minimum social subventionné par les baisses de charges patronales. « Moins vous payez un salarié, plus vous êtes aidé » : c’est François Chérèque (CFDT) qui le dit ! Et ce faible Smic tire tous les salaires vers le bas, puis que 17% des salariés sont payés à son niveau, soit deux fois plus qu’en 1994. Il faut donc se battre pour augmenter le Smic : 1500 euros net, c’est vraiment le minimum. Mais il faut le faire en confortant le salariat, c’est-à-dire en luttant aussi pour une augmentation générale des salaires vers le haut (300 euros pour tous), afin de modifier de fond en comble le partage salaires-profits, seule mesure du rapport de classe.