Les grandes manœuvres sont de nouveau à l’ordre du jour chez les opérateurs de mobile via la vente de SFR. Derrière celle-ci, c’est la course effrénée aux profits qui est en jeu avec toujours les mêmes victimes : l’emploi, les salariéEs et les usagerEs.
Depuis quelques années, le secteur du mobile est en pleine mutation : « guerre des tarifs » depuis l’arrivée du 4e opérateur, Free, et restructurations incessantes, avec le développement des nouvelles technologies. Une situation qui provoque une baisse du chiffre d’affaires pour les opérateurs, mais que l’on se rassure, rien de bien grave puisque les profits continuent de progresser !
Négociations pour gros chiffres...C’est dans ce contexte que Vivendi a décidé de vendre sa filiale SFR. Deux entreprises se sont mises sur les rangs : Bouygues Telecom avec Montebourg, le ministre du Redressement (im)productif et Hollande comme principaux soutiens, et Altice (Numericable) qui a obtenu l’avantage auprès de Vivendi. Ce dernier a en effet choisi d’entrer en « négociations exclusives » avec la maison mère de Numericable pour le rachat de SFR. Ces négociations d’une durée de trois semaines se feront sur la base d’une offre qui prévoit un paiement de 11,75 milliards d’euros pour Vivendi ainsi que l’attribution de 32 % du capital de la nouvelle entité.Cet achat par Numericable ferait naître un nouveau géant français des télécoms, numéro deux derrière Orange. Il comptera un peu plus de 18 millions d’abonnéEs mobile et 6,7 millions pour le fixe, pour un chiffre d’affaires de 11,5 milliards d’euros. Cela signifie qu’il y aura toujours demain quatre opérateurs mobile, et non trois si Bouygues avait eu l’avantage. L’achat par Numericable, c’est aussi le rapprochement entre les lignes fixes et le mobile, en s’appuyant sur la fibre optique, avec en ligne de mire le très haut débit pour ce nouveau mastodonte des télécoms.
Pas de « made in France » pour MontebourgPour Bercy, et pour Montebourg en particulier, la décision de Vivendi sonne comme une nouvelle défaite. En effet, le ministre du Redressement productif n’a pas ménagé ses soutiens publics à l’offre de Bouygues. Ce soutien était en partie motivé par le fait que le nouvel opérateur espéré Bouygues-SFR formerait un nouveau « champion made in France » des télécoms, au côté d’Orange France. Cela aurait permis de faire concurrence aux opérateurs européens comme Deustche Telekom, Telefonica ou Vodafone. Raté. Pire : Bouygues Telecom se retrouve un peu plus marginalisé après le choix de Vivendi, et l’intérêt pour le groupe de conserver cette activité se pose plus que jamais.Avec cette vente, la guerre commerciale et les restructurations ne sont pas terminées, loin de là. La course aux profits et le cours de l’action restent les préoccupations majeures des opérateurs, et pour conserver leurs marges, une seule solution, les suppressions d’emplois.
Emploi sacrifié à très haut débitPour rassurer le gouvernement et Arnaud Montebourg en particulier, Patrick Drahi, le PDG de Numericable, a assuré que le rapprochement Numericable-SFR « n’aura aucun impact social négatif » et que « ce sera zéro plan social, zéro plan de départs volontaires, zéro licenciement ». Derrière ces déclarations, la réalité de l’emploi dans le secteur est tout autre.Ainsi les effectifs n’ont pas cessé de baisser chez les opérateurs ces dernières années : 1 100 emplois supprimés en 2013 chez SFR et 24 800 « départs » prévus d’ici 2017 chez Orange. L’arrivée de Numericable ne changera en rien la situation des salariéEs. Par ailleurs, comment Numericable pourra-t-il tenir sa promesse de zéro suppression d’emplois alors qu’avec ce rachat son endettement va encore plus augmenter ? Il faudra donc très rapidement réduire les coûts... et donc supprimer des emplois.Les grandes manœuvres dans le secteur ne sont pas près de se terminer et les seuls perdants seront toujours les salariéEs, quelle que soit leur entreprise. À moins que le développement des mobilisations ne se fasse, lui, à très haut débit !
Sandra Demarcq