François Hollande a lâché une formule : « le pacte de sécurité l’emporte sur le pacte de stabilité ». Cela n’annonce aucun vrai tournant dans la politique économique française.
Cinq mille postes doivent être créés dans la police et la gendarmerie en deux ans, 2 500 dans la justice (notamment dans l’administration pénitentiaire) et 1 000 dans les douanes, cela pour faire face au renforcement des contrôles aux frontières. Par ailleurs, la réduction prévue des effectifs militaires est stoppée. Mais ce qui risque de coûter le plus cher, ce sont les opérations militaires extérieures, en Syrie et ailleurs.
Dans la période récente, aiguillonné par le Medef, le gouvernement est resté sourd aux dégâts de l’austérité et à leurs conséquences : persistance d’un chômage élevé, montée de la misère et du nombre de sans-logis. Les services publics se dégradent dans de nombreuses communes. Les queues aux bureaux de poste s’allongent, notamment dans les banlieues populaires où la poste a un rôle social important. Les associations qui créent un peu de lien social ont vu leurs crédits rognés et ont dû supprimer des emplois. L’imagination fertile du ministère des Finances est même allée jusqu’à imaginer de réduire l’allocation des handicapés des intérêts de leur livret de caisse d’épargne. On pourrait multiplier les exemples.
Certes, les racines de Daesh ne se trouvent pas sur le territoire français. Mais ne pas lutter autrement qu’en paroles contre la misère sociale et les discriminations ne favorise évidemment pas le combat nécessaire contre l’écho du djihadisme chez certains jeunes sans repère.
Mais pour Hollande, jusqu’à présent, la priorité était avant tout de financer les quelque 40 milliards d’euros de cadeaux aux patrons (au Pacte de compétitivité de 2012 s’est ajouté le Pacte de responsabilité de 2014) tout en avançant dans la remise en cause des acquis sociaux et en respectant le pacte de stabilité européen. Maintenant, pour financer la réponse guerrière aux crimes du 13 novembre, l’argent est sur la table. Et la Commission européenne a donné sa bénédiction aux annonces françaises...
Des illusions à gauche
Certains à gauche se sont réjouis de la formule de Hollande. C’est le cas notamment de Jean-Luc Mélenchon qui a loué la « très bonne remise en cause de la politique budgétaire », ainsi que Pierre Laurent. Pourtant, « le pacte de sécurité » ne l’emporte en fait en rien sur la politique économique de casse des acquis sociaux au service des plus riches. Pour l’instant, on ne parle que de 600 millions d’euros de dépenses supplémentaires en 2016. Le pacte de stabilité ne serait donc pas vraiment remis en cause.
Mais ce chiffre pourrait bien être dépassé : faire la guerre coûte cher, comme le montre l’exemple d’un raid aérien. Le coût d’une heure de vol de Mirage 2000 ou de Rafale dépasse 10 000 euros hors carburant (et pourrait atteindre 40 000 euros carburant compris pour le Rafale, plus coûteux). Le prix d’une bombe peut aller jusqu’à 200 000 euros pièce. Lors des raids au-dessus de la Syrie, environ vingt bombes par nuit sont à chaque fois larguées. Un tel bombardement avoisinerait en moyenne 2 millions d’euros...
Les dépenses pourraient donc augmenter plus qu’annoncé par le ministre des Finances, Michel Sapin. Bush junior avait fait du déficit pour financer ses guerres en Irak et en Afghanistan (et baisser les impôts des hauts revenus) : en quoi était-ce progressiste ? Même si la brèche faite au pacte de stabilité devait s’élargir, cela ne signifierait pas un virage à gauche de ce gouvernement PS-Medef.
Henri Wilno