Les conditions d’incarcération dans les centres de rétention sont décidément de plus en plus indignes. Le rapport des cinq associations qui y ont actuellement accès en apporte un nouveau témoignage. Rappelons qu’en 2009, le gouvernement avait entrepris d’ouvrir à la concurrence la mission que la Cimade y exerçait jusqu’alors exclusivement, afin de punir une association qui faisait preuve d’une vigilance et d’un activisme visiblement excessifs à ses yeux ; et surtout de transformer de fait une mission d’assistance juridique en simple mission « humanitaire ».
Peine perdue ! Le rapport remis par les cinq associations est accablant. Le constat est celui d’une « obsession statistique au détriment du droit » et d’une « criminalisation injustifiable des migrants en situation irrégulière ». France terre d’asile pointe l’accroissement du nombre d’enfants enfermés. L’Assfam évoque un « environnement carcéral ». De fait, la mise à l’isolement et le menottage sont fréquents.
L’Ordre de Malte note une restriction dans la pratique des droits prévus par la loi : on manque d’interprètes ; les cabines téléphoniques sont en nombre insuffisant ; dans plusieurs centres, le service médical n’est pas continu. L’Ordre de Malte, organisation caritative qui n’est pas encore identifiée comme appartenant à la mouvance de l’ultra-gauche, n’hésite pas en outre à qualifier de « discrétionnaire » l’application du droit dans les centres de rétention.
La palme d’or du déni de justice et de la surpopulation peut sans nul doute être décernée aux centres d'outre-mer (on sait depuis longtemps ce qu’il en est à Mayotte) où les recours ne sont même pas suspensifs et où les mesures d’éloignement sont particulièrement expéditives.
Comment pourrait-il en être autrement ? La loi Besson a posé le cadre : la période de rétention maximale est passée de 32 à 45 jours ; le juge des libertés a désormais cinq jours au lieu de deux pour statuer sur le maintien en rétention. Autant de petits « trucs » qui, ajoutés à la multiplication des contrôles au faciès, permet de remplir, au-delà du tolérable, les locaux vétustes des centres de rétention, à fin essentielle d’accentuer la pression sur les sans-papiers puisque le séjour en rétention est loin de se conclure toujours par une mesure d’éloignement effective : on s’en voudrait de se priver d’une main-d’œuvre potentiellement si docile ! Alors en passant par pertes et profits les gestes de désespoir (tentatives de suicides, automutilations…), on peut renvoyer la majorité, en bout de course… sur leur lieu de travail !
Ce qui transparaît de la situation derrière les grillages et les murs des centres de rétention est sans nul doute révoltant. Mais il est important de souligner que, pour nous, anticapitalistes et internationalistes, c’est l’existence même des centres de rétention, rouage dans un système global d’exploitation et de domination qui n’est tout bonnement pas supportable. C’est contre lui que nous nous dressons pour créer un monde dans lequel chacun sera un jour libre de vivre ailleurs que là où le hasard l’a fait naître. Et c’est pourquoi, aux côtés de nos camarades sans papiers, « pierre par pierre et mur par mur, nous détruirons les centres de rétention ».
François Brun