Le président de la République peut promulguer la levée de l’état d’urgence par simple décret en Conseil des ministres. Mais Macron maintiendra sans doute cet état d’exception car, s’il ne sert à rien contre la menace terroriste... il sert à tout pour le maintien de l’ordre !
Dans son livre Révolution, Macron écrit : « la prorogation sans fin pose plus de questions qu’elle ne résout de problème ». Mais dans son programme, s’il n’y a rien sur l’état d’urgence il y a beaucoup sur l’augmentation des effectifs de police et de gendarmerie, la construction de places de prison, l’interdiction des associations communautaristes « radicales », la déradicalisation par l’enfermement, le renforcement et la coordination des agents des services de renseignements... Le futur président se donne les moyens de sa politique.
En mars, il affirmait : « L’état d’urgence permet d’avoir des perquisitions qui ne seraient pas autorisées autrement, j’ai toujours été clair, tant que la sécurité des citoyens le rendra nécessaire je le maintiendrai. » Et il y a quelques jours, « Si les services ont besoin de l’état d’urgence pour des perquisitions administratives, je le maintiendrai. » L’outil de sa politique sécuritaire sera donc l’état d’urgence.
Macron s’est prononcé pour le maintien de l’état d’urgence en Guyane. Cette déclaration – techniquement inutile puisque celui-ci s’applique sur l’ensemble des territoires français – vise à informer que toute lutte dans les ex-colonies ou ailleurs subira le niveau de répression le plus élevé possible autorisé dans ce pays.
Ordre ultra-libéral et ordre sécuritaire
Macron s’inscrit ainsi dans la loi votée pendant la guerre d’Algérie, utilisée depuis dans tous les mouvements de contestation néocoloniale et aujourd’hui lors de toute contestation sociale. Cet état d’exception nous habitue aussi à vivre dans une société où la liberté d’aller et venir, et certains droits diminuent et peuvent s’effacer. La prévalence de l’administratif sur la justice, nos rues, nos places, nos fêtes encombrées de policiers, de militaires, d’agents de sécurité surarmés, les violences policières dans les manifestations et les quartiers... tout cela se banalise, instituant de fait un état d’exception permanent installant un État policier.
Le contrôle parlementaire du 6 décembre 2016 est sans appel : sur 5 000 perquisitions administratives, seules 20 ont donné lieu à une enquête du parquet antiterroriste. Le coût d’une perquisition est de 15 000 euros, et l’impact sur la prévention nul. La mise en œuvre des quatre lois sécuritaires adoptées sous Hollande, en complément à celles déjà existantes, n’ont pu empêcher plusieurs attentats, d’où le risque « d’une prorogation sans limitation ». D’autant plus que le risque zéro n’existe pas en matière d’attentat, surtout si Macron maintient la stratégie extérieure de la France comme il le promet, alimentant ainsi une des sources du terrorisme dans le monde, et les menaces qui vont avec...
Un projet ultra-libéral visant une défaite majeure de notre classe ne peut s’accomplir que dans le cadre d’un État autoritaire où tous les moyens de faire peur et de mater les résistances soient rendus légaux. L’annonce de « la création d’un état-major permanent pour planifier les opérations de sécurité intérieure associant les ministres de l’intérieur, de la défense, des transports, de la santé et de l’industrie », va dans ce sens d’une hyperconcentration de l’État autour de la seule fonction de répression.
Roseline Vachetta