Dans la foulée de la contre-réforme des retraites, le Medef vient de renégocier avec les syndicats le régime des retraites complémentaires dont bénéficient tous les salariés du privé. L’enjeu est de taille puisqu’il s’agit de 35 à 40 % de la pension des non-cadres et de 60 à 80 % de celle des cadres.Commencée il y a plus de trois mois dans la foulée du vote de la contre-réforme du régime général, la négociation Medef/syndicats de salariés concernant les retraites complémentaires gérées par l’Agirc* et l’Arrco* semble s’être terminée vendredi dernier.
Pourtant l’accord précédent courrait jusqu’en juin 2011 et, pour l’essentiel, il s’agit d’un nouveau report des décisions essentielles. Par des négociations de couloir, le Medef a tenté de décrocher la signature d’au moins deux syndicats. Si la direction confédérale CFDT a l’air de vouloir accepter ce compromis, celles de FO et de la CFTC semblent faire de la résistance. Seules la CGT et la CFE-CGC ont clairement affirmé leur rejet du texte. Déconnecté, en grande partie par méconnaissance de ses mécanismes complexes, du dossier du régime général des retraites, l’enjeu des complémentaires n’en est pas moins important. En effet, la retraite des salariés du privé est constituée d’une partie versée par la Sécurité sociale et d’une autre versée par les régimes complémentaires Agirc pour les cadres et Arrco pour tous les salariés. Cette part complémentaire n’est pas négligeable puisqu’elle représente 35 à 40 % de la pension pour les non-cadres, et 60 à 80 % pour les cadres. De plus les inégalités de pension entre les femmes et les hommes, déjà fortes dans le régime de base, sont encore aggravées dans les régimes complémentaires. La pension Agirc moyenne des femmes représente seulement 40 % de celle des hommes et 57 % pour la pension Arrco. Ces caisses complémentaires, de droit privé, sont financées depuis 1983 et l’instauration de la retraite à 60 ans par l’AGFF*, alimentée par une cotisation sociale. L’accord maintient le principe de l’AGFF et de son financement jusqu’en 2018 alors que jusqu’ici il était prolongé pour de très courtes périodes à l’occasion de chaque négociation paritaire. Il s’agit d’un régime « par points » dont le prix d’acquisition a, depuis plusieurs années, augmenté plus vite que celui de la réversion. En vingt ans, le taux de remplacement a baissé de plus de 30 % dans chacun des régimes, ce qui est encore plus sévère que dans le régime de base. D’après l’accord, le taux de rendement des points serait stabilisé jusqu’en 2015, les bonifications familiales à 10 % à partir de trois enfants avec un plafond de 1 000 euros et le taux de réversion maintenu à 60 %. Mais rien sur le financement, le patronat étant arc-bouté sur son refus de cotisations supplémentaires et la volonté de fusionner, avec alignement par le bas, les deux systèmes, reste affirmée. Si le financement est conforté jusqu’en 2030 par le report de l’âge de la retraite à 62 ans et 67 ans, il ne saurait suffire pour inverser la baisse des pensions et garantir la pérennité du système. Au-delà de la part importante qu’elles représentent dans les pensions des salariés, leur système par points est une illustration des dangers que fait courir à l’ensemble des régimes de retraite leur transformation en régimes par points ou par comptes notionnels telle que la loi de novembre 2010 le laisse entrevoir à partir de 2013. La relance des mobilisations sur la question des retraites devra prendre en compte aussi ces dispositifs avec l’objectif de garantir un taux de remplacement de 75 % (Sécurité sociale et complémentaire), de revenir à une indexation sur l’évolution des salaires, d’améliorer les dispositifs de solidarité pour obtenir un système plus redistributif et de réduire les inégalités entre hommes et femmes.
Robert Pelletier