La famille d’Idir Mederess apprend le « suicide » de ce dernier au quartier disciplinaire de la prison de Lyon-Corbas dans des conditions tout à fait troubles. Najet Kouaki, la maman d’Idir appelle depuis lors à se mobiliser chaque dernier dimanche de mai contre les violences pénitentiaires. En réponse à cet appel, ce dimanche 28, auront lieu des manifestations à Lyon et à Rennes.
Ainsi la Journée nationale contre les violences carcérales tient son nom d’un espoir — généraliser la lutte anticarcéraliste — et d’une ambition : du pénitentiaire à la carcéralité, viser l’ensemble du maillage d’enfermement sécuritaire. À Rennes, en ce sens la journée s’achèvera par la tenue d’un parloir sauvage au centre de rétention. À l’instar de l’enfermement psychiatrique contraint, taule et rétention sont l’ultime étape d’un processus policier de contrôle des oppriméEs.
La police tue, la taule aussi !
Le mouvement social a su retenir les noms de Malik Oussekine, de Babacar Gueye, d’Adama Traoré et de nombreuses autres victimes d’une police raciste, gardienne d’un ordre de classe. Pourtant, celui d’Idir est encore à ce jour trop méconnu dans son propre camp social. Cela révèle le manque d’intérêt pour l’issue de la chaîne pénale, comme si le fait qu’une arrestation ne se solde pas par un meurtre était en soi un soulagement. Le constat dépasse d’ailleurs nos frontières : « Et si […] [George] Floyd [avait] vécu pour être arrêté, poursuivi et emprisonné pour avoir prétendument tenté d’utiliser un faux billet de vingt dollars. Est-ce juste ? […] Trop souvent, le public réclame justice lorsque des Noirs sont tués par la police et ignore l’injustice quotidienne si les victimes survivent. »1
La prison tue pourtant, dans une impunité plus grande encore que l’impunité policière ! Comme institution totale, son opacité donne toute latitude à ses agents pour la dissimulation. Ainsi, les « suicides » et « morts suspectes » dissimulent les violences. Sans compter le fait que, dans ces conditions de promiscuité et de contact permanent, la responsabilité de l’administration est rarement hors de cause même dans de véritables suicides…
Au-delà de la taule, la carcéralité en cause
Loin d’être la seule issue de la chaîne répressive conduisant à la mise à l’écart du corps social, la prison partage ses fonctions politiques avec ce que le droit appelle les « lieux de privation de liberté » : centres de rétention, zones d’attente, cellules de GAV, services de soins psychiatriques contraints, prisons. Autant de lieux finalement interchangeables : par le jeu des incriminations pénales élastiques et de la psychiatrisation de tout comportement de révolte, une personne sans-papiers peut ainsi se voir transférer de l’un à l’autre, cumulant ainsi les périodes d’enfermement pour en maximiser la durée.
Les prétendues finalités de réinsertion de la taule sont un écran de fumée. Il n’en va pas autrement de toutes les justifications à l’enfermement : la carcéralité, c’est une machine à broyer les nôtres !
C’est là l’impasse des solutions réformistes : si, avec les meilleures intentions du monde, elles peuvent tendre à améliorer les conditions de vie au sein des lieux d’enfermement et à y réduire les décès, elles échouent systématiquement à s’attaquer sérieusement à leur fondement et donc à leur fonction politique de contrôle social. Ce n’est pas seulement la prison que les révolutionnaires anticapitalistes doivent abolir mais la carcéralité dans son ensemble, c’est-à-dire tous ses avatars !
Ce dimanche 28 mai, à Rennes et à Lyon, rejoignons la mobilisation ! Partout ailleurs où cela est possible, improvisons : déployons une banderole, emparons-nous d’une sono pour aller dire bonjour aux détenuEs et retenuEs... Soyons solidaires, soyons anticarcéralistes !
- 1. Derecka Purnell, Becoming abolitionists, London, Verso, 2021, p. 3.