Si un nombre aussi important d’enseignantEs et de personnels des établissements scolaires du primaire et du secondaire étaient en grève jeudi 13 janvier, ce n’est pas uniquement pour réclamer plus de protection face à la pandémie.
De nombreuses sections syndicales locales ne s’y sont pas trompées en communiquant avant tout sur un ras-le-bol généralisé contre Blanquer et son école. La pandémie est révélatrice de la réalité du délabrement du service public d’éducation et des modifications destructrices profondes de ces dernières années.
Des conditions de travail qui se dégradent
Ainsi, les revendications des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) sont nombreuses et légitimes. Alors que ces personnels sont en première ligne pour gérer l’inclusion, ils et elles sont extrêmement mal payés, pas assez formés, et leur expertise est mal reconnue, sans parler des problèmes administratifs (problèmes de paye, changements d’affectation brutaux…). En outre, les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIAL), ont été fortement modifiés à la rentrée 2021. Au prétexte d’une plus grande « souplesse », les moyens humains ont été mutualisés sur des zones géographiques, ce qui a eu des conséquences néfastes : d’une part la précarisation accrue des AESH, en les forçant à travailler sur plusieurs établissements et à changer d’affectation du jour au lendemain ; et d’autre part la réduction des heures d’accompagnement pour beaucoup d’élèves.
La création du statut de directeurE d’école, contre l’avis d’une écrasante majorité des directeurEs, est à ce titre symptomatique du mépris total, pour les enseignantEs, de la part du ministère. Au lieu de leur apporter de l’aide, la loi Rilhac va faire d’eux des supérieurs hiérarchiques de leurs collègues et les ensevelir sous des fonctions supplémentaires : ils et elles seront amenés à former leurs collègues, voire à l’avenir à les « noter » (ou même les choisir comme le prévoit une expérimentation à Marseille).
Pourtant l’accumulation des tâches administratives peut avoir des répercussions terribles : on pense, entre autres, à notre collègue Christine Renon, qui s’était suicidée en septembre 2019.
Des jeunes laissés à l’abandon
Alors que, les deux années précédentes, les élèves de filières professionnalisantes (lycées pro, SEGPA, EREA, SEP...) bénéficiaient dans les textes officiels d’une réduction de leur période de stage en raison de la pandémie, ils et elles ont été totalement oubliés cette année et sont très nombreux à galérer. La réforme de la voie professionnelle est en train de montrer ses objectifs : vider les lycées professionnels en bradant les contenus enseignés, pousser le maximum de jeunes vers l’apprentissage et les encourager à claquer la porte à la perspective de poursuite d’études.
Dans le même temps, dans leurs établissements, les moyens humains (remplacement des enseignantEs malades notamment) et matériels (mise en sécurité des ateliers et salles de classe) ne suivent pas, et c’est l’avenir immédiat de ces milliers de jeunes qui semble très incertain.
Dans les établissements du secondaire, les enseignantEs et les élèves ont subi d’année en année des réformes destructrices (réforme du lycée, ParcourSup, réforme du baccalauréat) et réduction des dotations horaires. Les collègues sont épuiséEs et ne se voient pas organiser les épreuves de spécialité dans les conditions sanitaires actuelles.
De plus, beaucoup de celles et ceux qui ont défilé jeudi 13 janvier avaient en tête les mesures de carte scolaire et les dotations horaires de la rentrée de septembre 2022, qui doivent tomber dans les jours qui viennent et qui seront marquées, une fois encore, par des baisses de moyens et des suppressions de postes. Faire reculer Blanquer sur le sanitaire, c’est aussi ouvrir la porte à une mobilisation capable d’obtenir les moyens dont l’école a besoin.
Une répression sous couvert de « pas de vagues »
Depuis le début du mandat de Macron, la répression des mobilisations dans l’éducation a connu une accélération dramatique, particulièrement lorsque les luttes sont menées par les élèves, à l’image de la politique contre les mouvements sociaux. Nous n’oublierons jamais les lycéenEs de Mantes-la-Jolie, à genoux les mains sur la tête, ni les déblocages de lycées à la schlague par la BAC, ou encore les agents de sécurité qui délogent des étudiantEs occupant leur fac…
Pour les enseignantEs, cette répression a pris une forme plus insidieuse, c’est leur expression qui est bâillonnée (même pour un poème, comme au lycée Marcelin-Berthelot à Pantin). Les sanctions administratives ont frappé sévèrement des profs qui avaient osé manifester leur opposition à Blanquer et au gouvernement, à Melle (professeurEs sanctionnés pour faits de grève) comme ailleurs. Même s’il s’agit de bafouer la réglementation par des sanctions désavouées ultérieurement, cela ne pose pas de problème à Blanquer. Son objectif est de saper le moral des personnelEs combatifs et de polariser les mobilisations sur des revendications défensives.
Ce petit tour d’horizon montre que le mouvement de grève actuel va bien au-delà des revendications sanitaires. Il ne s’arrêtera pas avec les quelques miettes lâchées par Castex.