Publié le Mercredi 18 janvier 2023 à 11h48.

Les effets dévastateurs de la réforme

Outre l’objectif de démanteler la retraite par répartition, cette contre-réforme des retraites est aussi une façon de diminuer les richesses qui reviennent aux salariéEs pour les transférer au grand patronat. Le gouvernement l’a avoué, il veut s’en servir pour réduire drastiquement l’impôt sur les sociétés. Ses effets concrets sont immédiats pour nombre de salariéEs.

Le secteur public et les régimes spéciaux sont attaqués aussi

La Première ministre a indiqué lors de sa conférence de presse que la règle particulière des six derniers mois pour le calcul des pensions des fonctionnaires sera maintenue. Cependant, les dispositifs annoncés pour les salariéEs et les régimes privés s’appliqueront aussi aux travailleurEs indépendants et aux 5,7 millions de salariéEs de la fonction publique. Des exceptions sont prévues pour les personnes des catégories dites « actives » : les fonctionnaires occupant un emploi présentant un « risque particulier » ou occasionnant des « fatigues exceptionnelles » (policiers, surveillants pénitentiaires, sapeurs-pompiers, égoutiers) ne sont pas concernés par le nouvel âge légal.

À l’exception des avocats, des marins, des salariéEs de l’Opéra de Paris et de la Comédie  Française, tous les régimes spéciaux seront supprimés et leurs nouveaux embauchés seront affiliés au régime général de retraite dès le 1er septembre 2023. Par contre les salariéEs déjà en poste conserveront leur régime de retraite et leurs acquis seront maintenus au nom de la « clause du grand-père ». Le gouvernement espère sans doute limiter l’ampleur d’une mobilisation sociale dans ces secteurs alors que leurs acquis étaient ­parfois justifiés par des contraintes particulières (horaires de nuit, astreintes…) et devraient donc dans ce cas être maintenus pour toutes les personnes dans la même situation. Le principe « à travail égal, salaire égal » ne devrait-il pas être appliqué partout ?

La pénibilité, le mot (et pas les maux) détesté par Macron !

Macron a dit « Moi, j’adore pas le mot de pénibilité, parce que ça donne le sentiment que le travail serait pénible ». Ce n’est pas uniquement le mot qu’il n’aime pas ! En 2017, Macron a publié une ordonnance supprimant le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) au profit du compte professionnel de prévention (C2P) sous le prétexte fallacieux de simplifier le dispositif jugé trop complexe pour les employeurs. Quatre des dix facteurs de pénibilité ont été supprimés : les postures pénibles, les manutentions manuelles de charges lourdes ; les vibrations mécaniques ; les agents chimiques dangereux — supprimant ainsi la possibilité pour les salariéEs exposés à ces risques de partir plus tôt en retraite. Théoriquement les salariéEs cumulent des points chaque année qui permettraient un départ anticipé à la retraite. Ce dispositif est très peu utilisé : depuis 2017 seulement 10 000 salariéEs ont bénéficié d’un départ anticipé, soit à peine 1 % des deux millions de comptes ouverts.

Élisabeth Borne a affirmé qu’un plus grand nombre de salariéEs bénéficieront du C2P qui ouvrirait plus de droits en cas de travail ou d’exposition à plusieurs risques professionnels : ils pourraient bénéficier d’un congé de reconversion permettant de changer de métier. Mais les facteurs de pénibilité donnant le droit à un départ anticipé en retraite ne sont pas rétablis !

Pension minimum et travail obligatoire

En présentant cette mesure la Première ministre a osé dire qu’« une vie de travail doit garantir une retraite digne » : le minimum de pension sera indexé sur l’inflation, une promesse de différents gouvernements qui n’a jamais été respectée. Théoriquement cette revalorisation devrait s’appliquer dès cette année aux futurs retraitéEs et concernerait aussi les retraitéEs actuels dans un projet de loi présenté au Conseil des ministres. La pension minimum sera inférieure de 15 % au SMIC net, alors que le SMIC est considéré comme le minium vital. Elle ne permettra pas de vivre décemment. Soyons réalistes, c’est indigne !

Le gouvernement veut faire travailler les seniors alors que près de la moitié des personnes de 60 ans sont hors d’emploi et que leur taux de chômage va se maintenir selon le COR à 30 % jusqu’au début de la décennie 2030. Le gouvernement se fixe pour objectif de stabiliser la part des pensions dans le PIB à 14 % pour les cinquante prochaines années alors que la part des retraités dans la population qui était de 18,5 % en décembre 2022 s’élèvera à 27,5 % en 2070 selon le COR.

Les pensions des femmes plus durement attaquées

Les inégalités de pension entre les femmes et les hommes augmentent avec les mesures de recul de l’âge et/ou d’allongement de la durée de cotisation.

Ainsi, actuellement, les carrières des femmes s’améliorant au fil du temps, les pensions des dernières générations parties à la retraite sont supérieures à la moyenne de l’ensemble des retraitéEs. Pourtant, même en considérant les départs récents, l’inégalité reste importante : la pension moyenne de droit direct des femmes de la génération 1953 est encore inférieure de 33 % à celles des hommes.

Si les femmes des générations 1970 valident autant de trimestres que les hommes entre 35 et 44 ans, selon une étude de la Drees de 2017, l’injustice demeure, notamment en matière d’inégalités salariales.

Cette contre-réforme va aggraver les effets sur les pensions des femmes déjà visibles avec les réformes précédentes. Ainsi, le taux de pauvreté des femmes retraitées est actuellement plus élevé que celui des hommes (10,4 % contre 8,5 %), et cet écart n’a cessé de se creuser depuis 2012.

Les salaires des femmes étant inférieurs en moyenne de 22 % à ceux des hommes, leurs pensions de droit direct (c’est-à-dire sans la réversion) sont inférieures de 40 % à celle des hommes.

Le montant de la décote est plus important en moyenne pour les femmes. Pour éviter de la subir, 19 % des femmes, contre 10 % des hommes, ont attendu l’âge de 67 ans pour partir à la retraite.

Le recul de l’âge de départ à 64 ans et l’augmentation de durée de cotisation prévus dans la loi Borne condamnent plus encore les « ­premières de corvée ».