Accompagnées par une intense propagande et une mise en condition médiatique, les retraites reviennent au premier plan de l’actualité avec une nouvelle réforme, une de plus.Ajoutée au puzzle de toutes celles qui la précèdent aussi bien dans le cadre des retraites que dans celui de l’ensemble de la politique gouvernementale, elle aura une place maîtresse dans le processus de financiarisation de la société.
Il est possible, au fil des méandres des réformes déjà mises en œuvre, de suivre le tracé idéologique de la politique sarkoziste et de prévoir ainsi, à la fois, les orientations et le but de la nouvelle réforme qui devrait être votée en septembre.
Cette dernière, avec une baisse de 15 à 20 % des pensions et retraites, confirme l’échec des mesures précédemment prises qui n’ont pas, par ailleurs, arrêté l’aggravation du déficit des caisses de retraite. Au-delà, cet échec et les conditions de sa réalisation font indirectement la démonstration de l’existence d’un dispositif de démantèlement du système de retraite par répartition porté par l’ensemble des mesures préparées par Sarkozy et le Medef. Il faut ajouter que cette gigantesque mystification n’a été rendue possible que par la « vertu » d’un dialogue social propice à tous les compromis. Cette réforme n’est donc pas une surprise, elle n’est que l’aboutissement de la première étape. Préparée de longue date, elle s’inscrit désormais dans la disparition programmée de la « Répartition ».
Alors que le COR (Conseil d’orientation des retraites) dans son rapport note « que l’effet positif d’une hausse du taux des cotisations sur le solde du régime est immédiat et durable », le refus du gouvernement d’intégrer cette donnée dans les solutions proposées lors des négociations, ainsi que celui du Medef de lier l’évolution de la productivité du travail et l’augmentation du taux de profit à celle des cotisations, donne le « la » des limites à ne pas franchir et indique la direction que devra prendre la nouvelle réforme dont on peut d’ores et déjà imaginer le contenu.
Le déficit dû au déséquilibre démographique entre actifs et inactifs mis en avant pour justifier le processus des mesures prises, n’est plus qu’un prétexte; de problème économique, il devient moyen politique pour faire avaliser, à travers les réformes en cours et celle, ultime, d’aujourd’hui, le projet idéologique de financiarisation de la protection sociale.
Ainsi organisé et politiquement cadré par ce refus, limité aux seuls moyens que les salariés pourraient dégager de leurs propres investissements pour le valoriser, le redressement des retraites par répartition serait condamné, à court terme, à un nouvel échec et, pourquoi pas, à une nouvelle réforme. Les artifices d’aménagements limités aux seuls aspects techniques, tels que l’allongement de la vie active, de la durée de cotisation ou encore le recul de l’âge légal du départ à la retraite ne feraient que déplacer le problème sans apporter de solution à l’essentiel, qui reste le financement nécessaire au rééquilibrage des retraites à travers l’augmentation du taux des cotisations.
Les propositions techniques avancées à dessein, en préparation de la réforme, ne laissent subsister aucun doute sur les intentions du gouvernement. Si elles étaient adoptées (et elles le seront), elles ouvriraient la voie à un changement complet de système et à l’instauration de retraites par points ou par comptes notionnels auxquels elles conviendraient alors aussi bien sur le fond que sur la forme. Ce qui répondrait en tous points aux attentes du patronat. Sans entrer dans le détail de fonctionnement de ces régimes, on peut ajouter qu’il ne s’agit, sur le fond, que de dispositifs qui, construits en dehors de tout principe de solidarité, isoleraient le retraité dans sa propre condition. Sarkozy a cependant promis de maintenir la « répartition », mais si cette dernière est à prestations définies, les comptes notionnels sont eux à cotisations définies. Ils se comportent en apparence comme cette dernière, mais il s’agit de capitalisation. Ce qui, dans cette hypothèse, permettrait à Sarkozy d’ajouter une nouvelle mystification à son tableau, une de plus. Ainsi serait consommée la disparition de la répartition. Ainsi le Medef aurait atteint son but. Il serait débarrassé d’une solidarité encombrante et porteuse des germes du partage des richesses et du travail, solutions tout à fait inacceptables par l’idéologie capitaliste. Il serait dégagé de la contrainte du taux de remplacement minimal du salaire.
Le COR estime dans cette hypothèse à 15 % la nouvelle baisse des pensions et retraites. La porte serait alors grande ouverte au système par capitalisation : fonds de pensions et compagnie dont l’effondrement provoqué par la crise nous a démontré les limites.
Avec la capitalisation, moins de cotisations, disparition progressive de la Sécurité sociale, difficultés accrues du système de santé, retour à la finance privée dans tous les secteurs de la société.
« La question des retraites ne sera pas résolue tant qu’on ne s’attaquera pas à la racine du problème : la répartition fondamentale entre revenus du travail (retraites incluses) et revenus du capital, qui est elle-même liée à l’emploi et à la durée du travail. Tant que le tabou de ne pas accroître les cotisations patronales, soit en augmentant le taux, soit en élargissant l’assiette, dominera, rien ne sera possible hormis l’aggravation de la pauvreté, des inégalités et des discriminations envers les femmes ».1
Le traité de Barcelone ratifié par Chirac et Jospin en 2002 préconisait « d’offrir aux travailleurs âgés davantage de possibilités de rester sur le marché du travail. Il faudrait rechercher d’ici à 2010 à augmenter progressivement d’environ cinq ans l’âge moyen effectif auquel cesse dans l’Union européenne, l’activité professionnelle ». Outre l’allongement du temps de cotisation, le sommet européen de Barcelone préconisait la montée en puissance des fonds de pensions pour financer les retraites via la Bourse.2
Autant dire que les mesures qui seront contenues dans la réforme actuelle sont déjà arrêtées.
Le capitalisme a une logique de prédateur, et ne pas en tenir compte c’est se condamner à accepter, avec ses conditions d’aujourd’hui, la servitude qu’il nous prépare pour demain.
Pour sauver la répartition, il faut rejeter le piège du dialogue social et exiger le partage des richesses.
1. (Thomas Coutrot – Jean Marie Harribey : Attac)
Guy Holstein
Extrait tiré du « Grand Soir » - Retraites du 24/02/10.
Régime par points ?
L’assuré verse une cotisation qui se traduit par l’acquisition d’un certain nombre de points. Le nombre de points acquis dépend du montant de la cotisation versée. La cotisation versée dépend du salaire de l’assuré. Au moment du départ en retraite, la pension est égale au produit du nombre de points par la valeur du point. La valeur du point peut être indexée sur les prix ou sur les salaires. Ainsi, la pension n’est pas calculée en fonction du nombre d’années validées mais en fonction du nombre de points comptabilisés tout au long de la carrière.
Compte notionnel ?
Chaque assuré possède un
« capital » alimenté par les cotisations qu’il verse pour sa retraite. Lorsqu’il part à la retraite, un cœfficient de conversion est appliqué à ce capital pour déterminer le montant de la pension. Ce système est donc proche d’un régime par points. Mais la spécificité du « compte notionnel » est que ce cœfficient peut être établi en fonction de l’âge… mais aussi de l’espérance de vie de la génération concernée. On se base pour cela sur les tables de mortalité des compagnies d’assurance.