L’auteur revient ici sur une série de spécificités du comité "l’Appel et la pioche" et sur les enjeux de son intégration dans le NPA, au plan du fonctionnement, des conceptions et des pratiques militantes.
Nous, les militants de l’Appel et la pioche sommes pour la plupart issus de mouvements de précaires, tels que Jeudi Noir, Génération Précaire, la CGT-Pizza Hut, ou Stop Précarité. Ces mouvements ont émergé alors que ces formes de précarité n’étaient pas prises en compte par les structures traditionnelles de mobilisation. Nous avons eu recours à d’autres leviers pour nous organiser. Etant dispersés sur nos lieux de travail, nous avons utilisé l’arme médiatique afin d’être enfin visibles. Ainsi, nous avons mis en place des actions coups de poing, originales et symboliques. Par exemple, faire irruption dans un appartement au loyer exorbitant avec cotillons, mousseux et musique pour dénoncer le mal-logement. Nous nous sommes inscrits dans une dynamique déjà initiée par les intermittents du spectacle, les mouvements de chômeurs. Ces nouvelles formes de lutte ont souvent porté leurs fruits.
S’inscrire dans une logique globale
En entrant au NPA, nous souhaitions nous engager dans la construction d’un outil plus large qu’un collectif thématique. Lorsqu’on milite sur un thème particulier, on a l’impression de faire l’autruche : on se bat sur un sujet (logement, précarité, etc.), en se rendant bien compte qu’on ne peut pas isoler ce problème de la logique qui organise l’ensemble de la société. En face, ils ont un projet global et cohérent, dont découle l’ensemble des injustices qu’une grande majorité de la population subit tous les jours. Pour cela nous avons souhaité nous engager dans la construction d’une force politique capable de renverser ce système de manière globale.
En montant le comité L’Appel et la pioche, on a souhaité participer à la construction du NPA à notre manière. Ce comité n’est pas structuré sur une base géographique ou de branche. Ce qui nous réunit, c’est le thème de la précarité et les spécificités des luttes dont nous sommes issus, bien souvent situées en dehors de nos lieux de travail.
Dans le cadre de la campagne du NPA sur le pouvoir d’achat, nous avons eu l’idée de nous inviter chaque fin de mois dans un supermarché pour y organiser un pique-nique avec de la nourriture prise dans les rayons, sans passer par la caisse.
Brassage des cultures militantes
Ces initiatives ont été l’occasion d’un « choc des cultures militantes ». Habitués à fonctionner dans un réseau aux dimensions réduites, nous avons lancé la première opération de ce type de manière assez autonome. Au fil des actions, nous avons impliqué davantage en amont le comité local du territoire où se trouvait le magasin ciblé. Et cela fonctionne de mieux en mieux.
Par ailleurs, suite aux échanges qui ont eu lieu avec les comités locaux, nous inscrivons désormais nos pique-niques dans un travail de fond : tractage en amont sur le territoire alentour, prise de contact avec les syndicats des salariés du magasin, et surtout, toujours replacer notre discours dans le cadre d’un combat global pour une alternative anticapitaliste, au-delà du problème spécifique des marges excessives de la grande distribution.
C’est l’un des intérêts majeurs du NPA : brasser des cultures militantes diverses, s’enrichir mutuellement des pratiques de l’autre. Sur ce point le pari est donc gagné
L’articulation entre nos pratiques et le cadre partisan
Notre mode d’organisation s’est heurté aux réalités du fonctionnement d’une organisation politique. Dans les collectifs dans lesquels nous militons, les cadres sont souvent volontairement souples. Nous sommes organisés de façon horizontale, avec un fonctionnement en réseau, et une répartition des taches relativement spontanée.
Ce mode de fonctionnement est difficilement applicable, peu efficace, et surtout anti-démocratique lorsqu’on compte 10 000 militants.
La forme partidaire interroge donc parfois notre mode de fonctionnement. Pour participer à la construction du projet politique du NPA dans son intégralité, nous ajustons alors régulièrement nos pratiques avec la réalité de notre organisation tout en souhaitant que celle-ci s’imprègne de notre parcours.
Quelle utilisation des médias ?
Comme nos autres actions, les pique-niques en supermarché ont dès le départ été conçus comme des actions médiatiques, qui nous permettaient de faire connaître le NPA, et d’exprimer nos revendications. Mais nous nous sommes aperçus que lorsqu’on touche au terrain partisan, le terrain médiatique est glissant et peut vite se retourner contre nous ! Notre discours peut rapidement être instrumentalisé et utilisé contre nous-mêmes d’autant plus en période de crise où l’anticapitalisme devient plus légitime que jamais. Nous devons donc user de l’espace médiatique avec prudence pour garantir une efficacité maximale.
Le parti est toujours en pleine construction et chacun apprend en marchant : la mutualisation des cultures militantes, mission accomplie dans le cadre des pique-niques, doit se poursuivre dans la suite de notre aventure. Nous devons tous continuer de nous approprier cet outil politique. Car le NPA que nous voulons est toujours en cours de construction.