Scénario et dessins Pep Domingo Nadar, Futuropolis, 2015, 29 euros
Papier froissé, froissé comme la vie des nombreux personnages qui hantent les pages de cette première BD de Nadar. L’auteur catalan de 25 ans maîtrise à merveille les flashbacks et les tiroirs secrets d’un scénario sinueux illustré par des gris, des tramés et des ombres noires d’une grande vigueur. Nadar déploie tout son jeune talent pour mettre en scène une Espagne en crise, celle des Indignés où les destins, hantés par le passé, se croisent et se décroisent.
Javi, un lycéen en rupture de ban mène une vie de mercenaire en rendant des « services » pour quelques dizaines d’euros. Il cache sa vie à sa mère dépressive qui lutte pourtant pour défendre leur maison contre l’appétit sans limite des promoteurs. Jorge, triste et taciturne, vient d’aménager à la pension « Los Caballos » tenue par Ana. Il travaille dans une menuiserie industrielle et sculpte en secret des chevaux. Sara, jeune mère célibataire, lesbienne et féministe, donne des cours de « close combat » tandis qu’Alberto, l’oncle de Javi, lutte contre le patronat.
Tous sont confrontés à la crise économique, à la déstructuration des familles, à la violence, à la violence sexuelle ou à l’isolement. Tous croient en une deuxième chance. Faudrait-il encore que leurs chemins se croisent et pour le meilleur, non le pire. Toute l’habileté de l’auteur réside dans cette magie des destins, et ce gros opus plein de mystères se lit d’une traite.Sortie en février, trop tard pour être primée en 2015, cette BD a été conçue à Angoulême avec le soutien du CNBI et de l’Alhondiga Bilbao.
Sylvain Chardon