De Kathryn Bigelow. Avec John Boyega, Will Poulter, Algee Smith. Sortie le mercredi 11 octobre.
1967 : Detroit capitale de l’automobile américaine. Une ville où les Afro-américains du Sud ont afflué après la Seconde Guerre mondiale dans l’espoir d’une vie meilleure et sans discrimination. Sur ce dernier point, la désillusion est claire : la police se distingue par son racisme.
Le film Detroit débute par une rafle violente de la police dans un bar clandestin (leur existence s’explique par la discrimination qui existe dans la ville) où se déroule une fête autour de soldats noirs de retour du Vietnam.
Violences et impunité policières
Les brutalités policières déclenchent émeutes et pillages (des Blancs y participent aussi). Des coups de feu sont entendus en pleine nuit. Les forces de l’ordre encerclent l’Algiers Motel (essentiellement fréquentés par des Noirs) d’où semblent être provenues les détonations. Les policiers soumettent des clients noirs de l’hôtel et les deux femmes blanches à un interrogatoire sadique et les menacent de mort pour extorquer des aveux. Ceux des policiers en désaccord avec les méthodes de leurs collègues se contentent de quitter les lieux. Le bilan est lourd : trois hommes sont abattus à bout portant, et plusieurs autres blessés…
Un procès des policiers assassins finira par intervenir (et se soldera par leurs acquittement) : le film montre qu’il tourne à certains moments à celui de leurs victimes dont on veut démontrer qu’il s’agit de délinquants.
Un film à voir… et à critiquer
Le film de Kathryn Bigelow mérite d’être vu, et pas seulement par sa description de comportements policiers et judiciaires toujours d’actualité : il montre les vies brisées, de même que les impasses de ceux qui essaient d’être des Noirs « corrects » aux yeux de la société blanche.
La dramaturgie a été resserrée sur quelques évènements, c’est en partie inévitable mais le contexte méritait d’être plus nettement évoqué tant les évènements de Détroit ne sont pas isolés : ils ont été précédés par ceux de Watts en 1965, et toutes ces années sont marquées par une forte contestation contre la guerre du Vietnam et la ségrégation raciale qui perdure malgré les lois sur les droits civiques. À Detroit même, existe un fort activisme noir. Tout cela n’est pas montré et cette lacune a été fortement critiquée aux États-Unis : un texte signé par des universitaires souligne que « les habitants [noirs] de Detroit vus par Bigelow sont furieux, aliénés, sans réflexion et apolitiques ».
Si cette observation renvoie à une vraie limite du film, d’autres critiques étatsuniennes suscitent plus d’interrogations : certains ont vu dans le film une complaisance dans la description des violences policières, et d’autres se sont interrogés sur la légitimité d’une réalisatrice blanche à traiter ce sujet…
Henri Wilno