Avec Ricardo Darin, Jérémie Renier, Martina Gusman. Sortie le mercredi 20 février.«Le cinéma ne change pas le monde mais je crois qu’il peut y collaborer », dit Pablo Trapero, réalisateur d’Elefante blanco 1. De fait, ses films contribuent au moins à ouvrir des débats en Argentine sur un certain nombre de sujets souvent ignorés comme les prisons (Leonora), le système de santé (Carancho) et plus récemment les bidonvilles et le rôle de l’Église. Elefante blanco, c’est le surnom donné à un bâtiment abandonné faute de crédits qui devait abriter le plus grand hôpital d’Amérique latine, dans la banlieue de Buenos Aires. À ses pieds s’étend un immense bidonville, la « ville de la Vierge », où règnent des gangs de narcotrafiquants. Deux curés et une assistante sociale y tiennent une sorte de centre socio-culturel et s’efforcent de promouvoir la construction de maisons en dur. Le plus âgé, superbement interprété par Ricardo Darin, se plie bon gré mal gré aux directives de la hiérarchie ecclésiastique, dont la passivité n’a d’égale que l’hypocrisie, d’autant qu’elle détourne les subventions attribuées à ces logements, mais le plus jeune veut intervenir plus franchement. Il va finir par rejoindre les habitants excédés quand ceux-ci décideront de construire eux-même leurs maisons et affronteront les forces de répression. « Montrer des gens qui se dévouent pour les autres au point de mettre leur propre vie en jeu, est un sujet qui me tenait à cœur », dit Trapero.Un grand film noir et socialLa mise au jour de cette contradiction entre l’engagement de ces curés de base et le jésuitisme voire la corruption de leurs supérieurs est particulièrement intéressante au moment où les communicants du Vatican cherchent à nous vendre Francisco Bergoglio, ex-militant de la Garde de fer fasciste dans sa jeunesse et complice de la dictature, comme le pape des pauvres. Si l’Église argentine a toujours tenu à affirmer sa présence dans les quartiers pauvres et les bidonvilles, c’est pour y prêcher la résignation. Sa sollicitude envers les démunis n’a jamais dépassé une maigre charité. Mais, au contact de la population, bien des religieux ont voulu sortir de ces limites et ont fini par choisir leur camp. Certains l’ont payé de leur vie. Par son réalisme sans concession ni voyeurisme, Elefante blanco est un grand film noir et social à voir et à faire voir.Gérard Delteil1. Interview à Encinta, site de cinéphiles de langue espagnole.