De Marie-Clémence Andriamonta-Pae. Film documentaire, 1 h 30, sorti le 30 janvier 2019.
En mars 1947, une insurrection éclate à Madagascar. L’île, indépendante jusqu’en 1896, a été conquise par deux guerres et ensuite soumise à l’exploitation coloniale, ce qui, pour une partie de la population, veut dire des périodes de travail forcé pour construire notamment le chemin de fer destiné à évacuer le café et le tapioca des plantations des Français. Dans ces plantations travaillent des paysanEs, obligés de se salarier pour payer l’impôt instauré par l’administration coloniale.
Massacre colonial
Durant la Seconde Guerre mondiale, 40 000 Malgaches sont enrôlés pour combattre dans l’armée française. À leur retour, ils croient que « De Gaulle » leur accordera l’indépendance. Rien ne se passe. Les trois députés de Madagascar à l’Assemblée nationale française, indépendantistes modérés issus du Mouvement démocratique de la rénovation malgache (MDRM), se heurtent aussi à un refus de Paris, début 1947. Alors, le 29 mars 1947, une insurrection éclate, mêlant essentiellement paysanEs pauvres et anciens soldats.
Les insurgés sont qualifiés de « fahavalo », « ennemis » en malgache, c’est-à-dire ennemis de la France. Ils ne disposent que de très peu d’armes. La répression sera impitoyable : un corps expéditionnaire de 30 000 militaires est engagé, largement composé de troupes recrutées dans l’Empire français d’Afrique : « Sénégalais » (en fait ce mot désigne aussi bien les Sénégalais que des ressortissants d’autres colonies d’Afrique subsaharienne) et « Algériens » (qui peuvent être des Marocains). Tous les moyens sont utilisés : exécutions sommaires, tortures, regroupements forcés, incendies de villages… Le MDRM, dont les dirigeants étaient réservés, voire opposés à l’engagement dans la lutte armée, est cependant pourchassé et ses députés condamnés. La répression fera des dizaines de milliers de victimes.
Cet épisode demeure largement occulté tant en France (où ce n’est pas un fait isolé : dans la même période, en Algérie, il y eut les émeutes de Sétif et, au Sénégal, le massacre du camp militaire de Thiaroye puis, plus tard, la répression au Cameroun), et même à Madagascar. Pour construire son film, Marie-Clémence Andriamonta-Pae n’a voulu faire parler que des survivantEs de la période de l’insurrection (participantEs directs, personnes obligées de se réfugier dans les forêts ou encore trop jeunes pour jouer un rôle actif). Ces témoignages sont entrecoupés de magnifiques images de l’île et soulignés par une belle partition musicale. La réalisatrice a choisi de ne faire témoigner aucun historien ; ce parti-pris de recours aux seuls témoignages directs fait à la fois l’intérêt du film et en même temps sa faiblesse pour des spectateurEs qui ne connaissent pas du tout cet épisode.
Les troupes coloniales ont mis plus d’un an pour vaincre la guérilla et rétablir l’« ordre ». En janvier 1951, François Mitterrand, alors ministre de la France d’outre-mer, indique dans un discours que l’« avenir de Madagascar est indéfectiblement lié à la République française », pendant moins connu de sa célèbre phrase du 7 novembre 1954 : « L’Algérie, c’est la France ».
Fahavalo, un film à voir et à faire voir pour rappeler ce qu’est la colonisation française.
HW