Patagonia, el invierno d’Emiliano Torres Avec Alejandro Sieveking, Cristian Salguero et Adrián Fondari. Sortie le mercredi 28 juin
Une estancia de milliers d’hectares, des troupeaux de moutons, un paysage magnifique qui se couvre entièrement de neige, une rivalité entre deux hommes, du suspense… On trouve dans le film d’Emiliano Torres tous les ingrédients d’un western, mais aussi et surtout une description sans fioriture d’une société où chacun doit rester à sa place même si l’économie évolue (le touriste devient plus rentable que le mouton...).
Au sommet, il y a celui qu’on ne voit pas : le propriétaire de l’estancia. Vient ensuite celui qui apparaît de temps en temps : un intendant. Il y a aussi des intermédiaires chargés de payer les salaires, d’apporter les provisions, voire de fournir alcool et prostituées pour éluder les revendications des tondeurs. Chaque année, en effet, durant l’été, des ouvriers saisonniers doivent assurer la tonte des moutons. Un homme vit et travaille en permanence sur l’estancia : le contremaître.
Au début du film, le contremaître, c’est Evans, mais il vieillit. Un été, parmi les saisonniers, arrive un jeune, Jara, qui doit sous peu devenir son second. À la fin de la saison, une fois formé, Jara est promu... et Evans brutalement prié de partir. L’hiver arrive, et Jara se prépare à le passer seul, loin d’une famille qu’il a cachée à ses employeurs (c’était la condition pour obtenir le poste). Mais des signes bizarres se multiplient sur l’exploitation...
Le duo de comédiens qui joue Evans et Jara et les paysages suffisent à faire de Patagonia, el invernio, un film à voir. Par ailleurs, pour qui connaît un peu l’histoire de l’Argentine, ce film est plein de résonances : en 1920-1921, les ouvriers des estancias patagonnes engagèrent une lutte massive pour leurs revendications parmi lesquelles l’arrêt des baisses de salaire, l’interdiction d’héberger plus de trois hommes dans un logis de 16 m2, un jour férié par semaine, un paquet de bougies par semaine… Mais face à la détermination des grévistes, le gouvernement envoya l’armée qui fusilla au total 1 500 ouvriers et grévistes.
Henri Wilno