De Mahamat-Saleh Haroun.
Le réalisateur tchadien montre le processus qui fait d’un migrant réfugié en France pour des raisons politiques un sans-papier pourchassé.
Abbas (Eriq Ebouaney) était professeur de français dans une Centrafrique déchirée par la guerre civile. Il est venu de Bangui avec ses deux enfants, Asma et Yacine ; sa femme a été tuée durant leur fuite. Ils sont en France depuis un an et demi et Abbas se bat pour régulariser sa situation.
Le couperet de l’OQTF
On le voit se rendre à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) à Montreuil. Cette cour statue sur les recours formés contre les décisions de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Abbas est bien « intégré », il occupe un emploi sur un marché, ses enfants sont scolarisés. Mais cela ne suffit pas : son recours est rejeté. L’OQTF (obligation à quitter le territoire français) tombe comme un couperet. Est aussi rejeté le recours d’un de ses amis, Étienne, qui était également enseignant à Bangui. Ce dernier se suicide (le réalisateur s’est inspiré d’un fait réel survenu dans les locaux de la CNDA en décembre 2014).
Abbas a noué une relation amoureuse avec Carole (Sandrine Bonnaire), fille d’émigrés polonais. Elle l’héberge avec ses enfants quand il perd son logement. Mais Abbas ne supporte pas d’entendre les policiers la menacer d’une forte amende et de prison pour hébergement d’un étranger en situation illégale. Il disparaît avec Asma et Yacine. Le film se termine dans le paysage désolé de Calais, là où était la « jungle ».
Haroun explique qu’il s’est employé « à donner un visage à ces réfugiés… [qui] ne sont pas des hordes, mais des singularités, des histoires et des parcours différents ». Pour les besoins de sa démonstration, le réalisateur joue à fond l’antimisérabilisme : Abbas et Étienne parlent un français impeccable. Abbas est toujours bien habillé, c’est un grand lecteur, il est plein d’attentions tant pour ses enfants que pour Carole et Étienne. Mahamat-Saleh Haroun a sans doute voulu montrer que même les mieux « intégrables » des réfugiéEs sont susceptibles d’être renvoyés.
Henri Wilno