Éditions sociales, 2024, 192 pages, 10 euros.
Notre camarade Ugo Palheta vient de publier un livre salutaire dans la très utile collection « Découvrir » qui permet d’introduire personnalités et évènements de la lutte des classes à partir d’une compilation de textes significatifs. L’enjeu de l’ouvrage n’est donc pas de décrire les prémices et la séquence ouverte le 25 avril 1974, dernier grand soulèvement populaire en Europe. Pour cela, on renverra à d’autres travaux, notamment ceux de Victor Pereira1.
Des textes pour éclairer
La lecture n’en reste pas moins passionnante. Après avoir ramassé en une trentaine de pages introductives la séquence, son déroulé en quatre phases et ses particularités politiques et sociales, le passage en revue d’une douzaine de textes largement resitués, expliqués et commentés, permet d’aborder les principales questions posées par cette révolution. 48 ans de régime dictatorial balayé en une journée, le tout sous la seule pression de capitaines de l’armée organisant un coup d’État ?
La complexité de cette dynamique révolutionnaire est donc analysée autour de différentes thématiques : le contexte des luttes contre la décolonisation ; la puissance de la mobilisation populaire, ouvrière, et des grèves ; les luttes paysannes et la question de la réforme agraire ; la dynamique antifasciste et l’horizon du socialisme ; le rôle des différentes forces et les rapports de forces (le Mouvement des forces armées bien entendu, mais aussi le Parti communiste portugais, le principal représentant des intérêts de la bourgeoisie Spinola…), etc.
Une brèche
En pointant à chaque étape les originalités du processus, le livre ne cesse de nous rappeler que les crises révolutionnaires n’éclatent jamais comme on l’imagine, toujours surprenantes. Ici, un putsch mené par une hiérarchie militaire intermédiaire influencée par des idées socialisantes, a su balayer une dictature politique qui avait tenu près d’un demi-siècle grâce au pouvoir de l’armée... Une brèche qui va notamment entraîner les travailleurEs à s’organiser dans une grève de deux mois, et l’ensemble de la population à lutter pour conquérir de nouveaux droits démocratiques et sociaux : la construction du Portugal sur un socle de conquêtes, que la bourgeoisie, qui a repris définitivement la main à l’automne 1975, n’a pu remettre en cause.
En se tenant à l’écart du catéchisme révolutionnaire, le travail d’Ugo Palheta fait œuvre utile. Comme il l’écrit dans son introduction nuancée : « Personne ne prétend que la situation au Portugal serait aujourd’hui identique à celle qui précéda la révolution des Œillets, ni que cette dernière nous livrerait le dernier mot de l’émancipation, encore moins un modèle clé en main. Mais elle nous rappelle ce que peut un peuple lorsqu’il fait irruption et se soulève, non simplement pour changer de maître mais pour se libérer de toute servitude. Cet héritage-là n’a assurément pas pris une ride. »
Manu Bichindaritz
- 1. Pour se remettre la révolution des Œillets en tête, on renverra aussi au dossier de l’Anticapitaliste n° 705 écrit par Ugo Palheta : « Révolution des Œillets : Les masses en mouvement contre le colonialisme et le fascisme » https://lanticapitaliste…