Publié le Dimanche 21 avril 2024 à 15h00.

Dissoudre, de Pierre Douillard-Lefèvre

Éditions Grevis, 2024, 120 pages, 10 euros.

 

Pierre Douillard-Lefèvre nous propose une variation autour du verbe dissoudre, dont l’usage pourrait bien être un marqueur du règne présidentiel. Pris dans son acception administrative, appliqué à la volonté macroniste de neutraliser toute opposition, le terme est ensuite interprété dans un sens plus politique, comme la traduction hexagonale d’un vieux fantasme libéral, celui de la fin de l’histoire, de la fin des classes sociales — la fameuse classe moyenne qui engloberait le monde — celui de la dissolution des catégories politiques. Il n’y aurait plus de droite, plus de gauche, plus de classe ouvrière, plus de bourgeoisie, la contestation sociale serait peu à peu assignée à une zone obscure de la société, en périphérie du terrorisme.

Glissements et inversions des significations

Le vocabulaire ferait lui-même l’objet d’une série de glissements, voire d’inversions, dont les discours ministériels avant et après la terrible répression de la manifestation de Sainte-Soline constituent des cas d’école. La violence n’est plus celle de militaires surarmés fondant sur des civilEs déambulant au milieu des champs mais celle des victimes de l’agression lorsqu’ils approchent d’un trou vide !

Le livre de Pierre Douillard-Lefèvre est donc d’une grande utilité en ce qu’il nous fait toucher la cohérence d’un système au sein duquel la dissolution d’organisations ou de collectifs — usant de textes qui ont été au départ conçus pour neutraliser les ligues factieuses de 1934 —obéit à une logique politique de criminalisation du mouvement social — d’où la nécessité de s’y opposer ! —, de liquidation politique de toute opposition, en commençant par la plus radicale. 

Résister à la logique de criminalisation du mouvement social et à l’extrême droite

Ces processus, qui contribuent, en annihilant tout espoir pour les classes populaires, à faire monter encore l’extrême droite en France, en même temps qu’ils « extrême-droitisent » les pratiques et les orientations politiques des gouvernements européens (et au-delà !) conduisent l’auteur, avec ses termes propres, à pointer les risques renouvelés de totalitarisme ainsi que l’actualité d’un risque de guerre. Pour s’y opposer, il nous propose de faire bloc et de réinventer des résistances, de prendre appui sur des expériences, d’orchestrer la « symphonie des résistances ». Que ce texte nous amène à en débattre, qu’il soit le prétexte à affuter nos armes politiques pour résister...