Coordonné par Michèle Descolonges, Presses de Sciences Po, 2015, 23 euros.
Le titre de ce dossier est trompeur car il y est peu question de transition écologique mais beaucoup plus d’un historique des rapports des syndicats avec l’écologie – avec des exemples aux États-Unis, en Italie, Aragon et France...
L
a question environnementale ne fait pas partie naturellement du corpus idéologique des syndicats : pour la CGT du 19e siècle, la révolution étant censée résoudre le problème de l’environnement... La première incursion environnementale se limite à l’environnement restreint du lieu de travail et se fait par le biais des conditions de travail : santé et sécurité, principalement dans les mines (où ont lieu les accidents les plus graves jusqu’aux années 60). Les revendications vont s’étendre avec l’hygiénisme qui englobe aussi la question des logements insalubres et l’alimentation.
Les catastrophes chimiques et la pollution croissante vont extraire les luttes du cadre de l’entreprise pour inclure les populations locales (la plupart des riverains des sites industriels sont aussi leurs salariéEs), voire nationales ou internationales dans le cas du nucléaire. Les syndicats vont avoir des réponses différentes : se limitant à la défense de leurs membres (en France, FO), en déléguant aux politiques (CGT) ou au contraire en tissant des liens avec les populations et les associations environnementales (CFDT dans les années 70 et 80). À noter le rôle des experts-militants (scientifiques, médecins), de l’acquisition de savoir et expertises par les salariéEs et surtout la prise en compte des connaissances des ouvrierEs dans le succès des luttes.
La question du rapport de forces entre salariéEs et employeurs est prégnante, ce qui explique le manque de continuité syndicale sur l’environnement : les industriels n’hésitent pas à faire du chantage à l’emploi, ce qui donne lieu à partir des crises des années 1970 et suivantes à une alliance de fait contre les législations et normes mettant en danger les emplois.
Ambigu et flou
Avec le réchauffement climatique, les syndicats commencent à tisser des liens avec des ONG environnementales (celles qui font partie du « système » et avec des limites comme la question du nucléaire). Mais les notions de « développement humain durable » (CGT) ou encore de « responsabilité sociale des entreprises » (repris par la CFDT mais aussi le patronat) ne sont pas exemptes des ambiguïtés du prétendu « développement durable ».
La transition écologique est traitée à partir du concept d’emplois verts considérés comme la panacée pour permettre croissance, emploi, protection des écosystèmes et réduction de la pauvreté... Mais le concept est flou, les créations d’emplois difficiles à évaluer, et les conditions à réunir hypothétiques. De plus, les exemples cités sont loin de convaincre : chimie verte, éolien marin ou Grand Paris...
Pour se remettre au cœur de la question environnementale, les syndicats devront travailler sur le développement d’une justice environnementale basée sur quatre points : la centralité de la classe ouvrière comme principale interface entre société et nature ; la vulnérabilité de ses membres à la destruction de l’environnement ; la nécessité que les politiques environnementales assurent la durabilité du travail et la réorganisation de la production ; l’intégration des travailleurEs dans les méthodes de recherche et de militantisme.
François Favre