De Jean-Marc Rouillan, Agone, 2016, 9,50 euros
Non, rien de rien... Rédigé du fond de sa cellule pendant l’hiver 2010, alors qu’il était réincarcéré pour délit d’opinion, Jean-Marc Rouillan nous propose dans sa nouvelle parution de partager ses souvenirs carcéraux, littéraires, militants et amoureux.
« Je m’appelle Rouillan Jean-Marc, j’ai 63 piges et viens d’un monde qui n’existe plus ». Ainsi se présentait-il à Libération en février dernier. Alors qu’il est de nouveau l’objet d’un acharnement de la police de la pensée étatique et qu’il risque une nouvelle incarcération, Jean-Marc, à travers 197 courts chapitres ou simples citations, nous entraîne vers des contrées magnifiques sur près d’un demi-siècle. Celles de nos adolescences tumultueuses dans un monde encore non « globalisé » qu’il était encore fascinant de parcourir et découvrir. Celles de nos saines révoltes militantes où l’internationalisme ne se payait pas de mots, mais d’actes. Celles d’un basculement culturel, en particulier musical, qui échappait encore pour peu de temps aux « majors » internationaux, où les festivals pop rassemblaient des centaines de milliers de jeunes de tous les pays. Celles où la gratuité dans les concerts n’était pas une revendication mais une exigence que nous imposions. Celles d’un cinéma engagé qui nourrissait tout autant nos esprits que les lectures de Marx, Engels, Lénine, Mao, Bakounine ou Debord. Celles où les barrières entre vie militante et vie personnelle n’existaient pas.
Mordre la vie à pleine dents ! Ne rien regretter ? Si... Les camarades tombés dans les combats « Je regrette de n’avoir pu sauver Salvador Puig Antich du garrot... je regrette de m’être dit "ça aurait pu être moi !" et d’avoir claironné dés ce moment là "Je suis déjà mort une fois" »...
On l’aura compris, ce livre – magnifiquement relié « à l’ancienne » – est à consommer de toute urgence et sans modération. Au retour de l’université d’été du NPA, pris dans des embouteillages, nous en avons fait une lecture collective sans qu’aucun des passagerEs ne manifeste la moindre lassitude.
Allez, une dernière pour la route : « Je regrette de n’avoir pas participé à la Grande Évasion – assis sur le porte-bagages de Steve Mc Queen »... Sacré Jean-Marc !
Alain Pojolat