Au musée Denys-Puech à Rodez, jusqu’au 25 octobre. Guy Brunet s’est intéressé au cinéma des années 1960, principalement hollywoodien, son préféré, et nous invite à partager son émerveillement et la bulle de rêve qu’il a créée au milieu d’un paysage industriel à l’abandon près de Decazeville, à Viviez, dans un minuscule atelier vétuste où il vit simplement.
Brunet est un amoureux du cinéma et surtout de toutes celles et tous ceux qui l’ont fait, y compris dans l’ombre, et ont participé à forger notre imaginaire : acteurs/trices vedettes ou seconds rôles, fondateurs du cinéma, techniciens, y compris la costumière, vedettes de la télévision, etc.
Cinéma total
Fils de projectionniste, il baigne dans la culture du cinéma des années 1960 dont il recrée des affiches, dans un style populaire et très graphique, mettant en valeur les films (les grandes épopées, Cecil B de Mille, etc.), et surtout les acteurs et actrices qu’il aime particulièrement, de Humphrey Bogart et Lauren Bacall à Jean Gabin et Michèle Morgan.
Mais c’est réalisateur qu’il veut être, rêve contrarié qu’il réalise enfin depuis ces 20 dernières années, après une vie d’ouvrier.
Autodidacte, Guy Brunet est peintre, scénariste, réalisateur, producteur. Démiurge, il fait son cinéma total : de l’affiche à la peinture des personnages silhouettes peintes sur carton de 1,30 mètres en aplats de couleurs et quelques traits, les décors et la scénographie, le scénario écrit méticuleusement sur des cahiers d’écolier, le casting, le tournage en caméra amateur, les voix et même parfois les chansons, le tout en prise directe, devançant l’attitude de certains adeptes actuels de l’art numérique. Son atelier est peuplé d’un monde particulièrement émouvant de plus de 800 personnages sagement stockés en attente d’entrer en scène, foule bienveillante vaguement familière qui nous renvoie vers un univers onirique avec nostalgie, à l’époque révolue de l’âge d’or du cinéma dont il a une connaissance encyclopédique obsessionnelle et sensible.
Rêve de producteur
Intarissable, il peut en parler des heures avec sa faconde et son accent aveyronnais dans son minuscule bureau/studio à l’étage où seuls 2 m2 sont miraculeusement restés libres pour le tournage de son 18e film en préparation, et faire partager son rêve de producteur de La Paravision (syncrétisme Paramount et Paradis ?).
Deux évènements nous permettent actuellement de pénétrer son œuvre singulière de plus en plus reconnue : l’exposition actuelle au Musée Denys-Puech à Rodez, bel échantillonnage d’affiches, décors, personnages et projection de films dont certains peuvent durer 3, 4, voire 8 heures, et la parution de la très belle monographie Guy Brunet réalisateur, les studios Paravision1 constituée par Charles Soubeyran, recueil des reproductions des œuvres, affiches, décors, scénarios, des poèmes, des entretiens et des superbes photos de ses personnages dans l’atelier, prises par Mario del Curto.
Art singulier ? Art modeste ? Art brut ? Qu’importent les revendications des spécialistes : l’art de Guy Brunet est à découvrir d’urgence.
Ugo Clerico
- 1. Éditions Till Schapp, Collection de l’Art brut de Lausanne.