Éditions Lux, 2024, 176 pages, 18 euros.
Laura Tripaldi, femme de science, journaliste et féministe, se penche dans Gender Tech sur les innovations technologiques et médicales qui ont contribué à l’émancipation des femmes, et en analyse les aspects les plus négatifs.
Les femmes comme objet d’études
Ce livre commence par remonter quelques 150 ans en arrière, à l’heure où la mode du spiritisme est en plein boom. Alors que l’on s’attroupe autour de femmes en transe, souvent nues, dans l’attente d’apparitions ectoplasmiques, le corps des spirites n’est plus considéré que comme un vaisseau, une curiosité à observer sous toutes les coutures afin de comprendre d’où, comment, et pourquoi sortent tous ces fluides mystiques. À une époque où la médecine se questionne notamment de plus en plus sur « l’hystérie », allant jusqu’à expérimenter de façon brutale sur des malades dans l’incapacité de se défendre, le corps des femmes devient objet d’études et de conjectures scientifiques. On invente le spéculum, testé dans la douleur sur des esclaves sans souci de consentement. Bref, on cherche à percer le mystère de « l’intérieur ».
Une liberté à double tranchant
Les « technologies de genre » jouent un rôle fondamental dans l’émancipation des femmes. Qu’il s’agisse du test de grossesse, de la pilule contraceptive, de l’échographie obstétricale ou des applis de suivi de cycle, chacune de ces inventions a apporté contrôle et libre choix aux femmes y ayant accès. Pour autant, les pendants négatifs de manquent pas. La pilule en est sans doute l’illustration la plus évidente, tant la liste des effets secondaires est longue. Mais, au-delà de ce seul aspect médical, le message même qu’elle véhicule pose problème : une femme doit réguler son cycle, lisser toute manifestation hormonale et continuer de saigner « en faux » 4 jours par mois pour se sentir bien. L’échographie, dont le bénéfice en termes de suivi est indéniable, est par ailleurs devenu un formidable outil de propagande pour les anti-avortement. On veut montrer que le fœtus est un bébé en devenir, on veut faire entendre les battements de son cœur, on cherche à culpabiliser et, en offrant au regard une image de l’enfant à naître coupée de son contexte, on invisibilise le corps de la femme qui le porte, ne la laissant à nouveau plus être que le vaisseau porteur d’une chose qui la supplante.
Si certaines considérations sur les notions de sexe et de genre de Laura Tripaldi peuvent heurter, son analyse sur les innovations conçues « pour les femmes » amène à se questionner sur la façon dont elles restent toutes fortement ancrées dans une culture patriarcale dont la finalité reste, toujours, le contrôle de nos corps.
Cyrielle L.A.