Publié le Samedi 13 janvier 2024 à 09h00.

Littérature et Révolution, de Joseph Andras et Kaoutar Harchi 

Éditions Divergences, 240 pages, 16 euros. Parution : 12 janvier 2024.

Placé sous le très intimidant patronage de Léon Trotski et de Victor Serge, cet ouvrage étonnant rejoint la catégorie des agitateurs de neurones...

La forme du livre – une conversation entre Joseph Andras et Kaoutar Harchi – est assez déroutante. Si tous deux affichent le souci d’une relance permettant à l’autre de développer son discours propre, les transitions semblent parfois artificielles, voire maladroites. Par ailleurs, la première partie, Écrire, qui voit les protagonistes de l’entretien afficher leur abandon de la fiction, suscite une certaine perplexité. Les développements sur la nécessaire utilité de l’écriture d’un point de vue politique contribuent à forger un premier sentiment mitigé...

Puis peu à peu, dans la deuxième partie, Combattre, la discussion prend forme et confronte des énoncés qui s’opposent en partie mais qui s’alimentent aussi l’un l’autre. Les deux auteurEs se placent dans le champ politique et, comme le titre du livre l’indique, leurs références se situent très loin à gauche ! Kaoutar Harchi, écrivaine et sociologue, qui « porte son attention sur les rapports sociaux de race, de classe, de genre », se réclame de Révolution permanente. Joseph Andras, lui, se réclame « de la tradition socialiste, révolutionnaire et anticolonialiste », se présente comme électron libre, électeur de Jean-Luc Mélenchon. 

Ils tracent alors ensemble le cadre politique dans lequel s’élabore leur œuvre, avec des approches quelque peu divergentes mais qui concourent également à le définir. Il en ressort une insertion commune dans une perspective socialiste, communiste, définie en tant que l’Idée1 socialiste-communiste à laquelle il faudrait émarger pour décrire le monde, pour s’engager, pour combattre, donc pour écrire. Ils y insèrent les luttes actuelles des oppriméEs, des minorités, évoquant les Gilets jaunes, le comité Adama, mais aussi l’antispécisme. 

Les dernières pages, Publier, s’organisent autour de l’appréciation des deux écrivainEs de la situation de production de leurs écrits, de leurs approches différentes face au livre, enfin objet accessible, de leurs pratiques face à la promotion de leurs ouvrages, et de leur trouble quant au paradoxe que constitue le fait d’écrire pour et au nom de personnes qui ne lisent pas, qui ne liront pas leurs livres, qui peut-être même ne les tiendront jamais entre leurs mains.

 

  • 1. De la même façon que les anarchistes espagnols nomment l’anarchie — L’Idée avec une majuscule.