Les liens qui libèrent, 2024, 288 pages, 9,90 euros.
Ce que Nicolas Framont désigne comme des parasites, c’est la classe bourgeoise qui domine la France capitaliste. Il montre comment ses membres sont très rarement « partis de zéro » et sont bien souvent soit des héritiers, soit des bénéficiaires des largesses de l’État, soit les deux… à l’image de l’armateur Rodolphe Saadé, patron de la CMA-CGM. Nicolas Framont consacre des pages réjouissantes aux mécanismes de l’ascension de certains de « nos » capitalistes.
Les mécanismes de la domination
Il montre le parasitisme économique, c’est-à-dire l’aptitude à capter les aides publiques, à tirer parti des dispositions fiscales : les capitalistes coûtent cher à ceux qui produisent. Le capital met l’État à son service. La force de la classe bourgeoise tient aussi à sa capacité à organiser, chez les dominéEs dans les entreprises et dans l’ensemble de la société, le désespoir, la résignation, la honte de ce que l’on fait, de son origine… Là aussi, Framont en décortique certains mécanismes.
Concertation et électoralisme
Framont n’est guère plus tendre vis-à-vis des syndicats, englués dans la concertation sociale, et des partis de gauche gangrenés par l’électoralisme, y compris La France Insoumise à laquelle il a appartenu. Il reproche aussi aux partis de gauche leur manque global d’intérêt pour l’organisation en leur sein des « classes laborieuses ». L’ « obsession électorale » conduit à l’échec car il ne suffit pas de gagner des positions dans les institutions si ces classes laborieuses ne se mettent pas en mouvement. L’auteur expose enfin un certain nombre des principes autour desquels, selon lui, devrait se reconstituer un mouvement ouvrier offensif.
Analyse de classe et affrontement
Ce livre est un pamphlet qui souvent vise juste mais contient un certain nombre d’approximations ou d’éléments discutables. Ainsi, parmi d’autres points secondaires, la critique faite aux films de Ken Loach. Plus importante est une analyse des classes, particulière à Framont, qui ajoute aux deux classes fondamentales, une « sous-bourgeoisie » mal définie chargée de faire « marcher le monde dans un ordre conforme aux intérêts bourgeois ». Enfin, on peut reprocher à Framont de pécher par idéalisme en sous-estimant les clivages et contradictions au sein des classes populaires. Et aussi, au-delà d’un certain nombre de principes pertinents, qui parfois rappellent le projet initial du NPA, en négligeant la nécessité d’un instrument apte à résister aux affrontements qui se dessinent (le livre n’a pas vraiment intégré la montée du RN ni, évidemment, les résultats électoraux de 2024).
Henri Wilno