Film roumain, 2h05 min, sorti le 19 octobre 2022.
RMN est le sigle en roumain d’IRM (l’imagerie par résonance magnétique), soit un scanner. Un des personnages du film en manipule souvent un (celui de son père) mais ce titre renvoie aussi au projet de ce nouveau film de Cristian Mungiu : radiographier la maladie morale qui ravage un village de Transylvanie, région de l’ouest de la Roumanie. Depuis des siècles, sa population est multiethnique : on y parle surtout le hongrois (minoritaires en Roumanie, les hungarophones sont les plus nombreux dans le village), puis le roumain, moins l’allemand. Chacun suit aussi les offices religieux dans son église et sa langue. Il n’y a pas de roms : ils ont été virés et on n’aime pas trop les habitants du village d’à côté.
Déchaînement raciste
La mine est fermée. Restent un peu d’exploitation forestière et surtout une prospère boulangerie industrielle qui a du mal à recruter : beaucoup d’habitants du village sont partis travailler en Europe de l’Ouest, et puis la boulangerie paye au salaire minimum qui est très bas. Dans l’Union européenne, les travailleurs roumains se heurtent souvent au mépris mais cela ne va pas empêcher le racisme latent de se déchaîner dans le village.
Matthias revient précipitamment d’Allemagne, où il travaillait dans un abattoir, après avoir cogné son chef qui l’avait traité de « sale Gitan ». Il n’est pas vraiment le bienvenu chez lui. Sa femme, qui élève seule leur fils, tient à garder ses distances. Il veut renouer avec Csilla, son ancienne maîtresse, qui est la numéro 2 de la boulangerie industrielle.
Comme les offres d’emplois de l’usine sont dédaignées par les villageois, Csilla et sa patronne font appel, en respectant les procédures légales, à de la main-d’œuvre étrangère, trois Sri-Lankais parlant l’anglais. La réaction de la communauté villageoise est rapidement négative : ils touchent le pain que les Roumains vont manger, ils peuvent importer des maladies, ils sont peut-être des musulmans donc potentiellement des terroristes, etc. La température monte vite : les Sri-Lankais sont expulsés de leur logement, le maire et les religieux refusent de désavouer les habitants.
« Tout est parti d’un incident bien réel »
Au cours d’une réunion épique organisée par la mairie, tout le contexte remonte à la surface : les bas salaires de la boulangerie (qui ne paye les heures supplémentaires que depuis une date récente), l’Union européenne et ses préoccupations écologiques alors qu’ils veulent du travail, le mépris des autres Européens… mais il faut quand même que les touristes continuent de venir. À un moment, les habitants sont presque près d’en venir aux mains entre romanophones et hungarophones.
Un film intéressant, bien joué (et un peu pollué par une intrigue amoureuse sans grand intérêt). S’y entremêlent toutes les langues du village, plus l’anglais des Sri-Lankais… et le français du représentant d’une ONG chargé par l’Union européenne de recenser les ours. Comme l’explique Cristian Mugiu : « Tout est parti d’un incident bien réel survenu en Transylvanie en 2020. J’ai été frappé comme beaucoup par le fait que ce type d’incident xénophobe survenait au cœur d’une minorité. On aurait pu penser qu’une minorité, justement parce qu’elle est une minorité, aurait davantage de sympathie à l’égard d’une autre minorité, mais c’était l’inverse qui s’était produit ».